Archives de catégorie Village de Lagardère

L’église de Lagardère

Eglise paroissiale Saint Laurent, elle devint au plus tard au XVII° siècle annexe de Roques. Elle était desservie par un vicaire venu de Roques. Il desservait aussi Polignac (Gondrin). Actuellement, elle fait partie de la communauté catholique de Valence.

Saint Laurent, patron de la paroisse de Lagardère, était diacre (laïc chargé de gérer les biens mis en commun dans les premières communautés chrétiennes) du pape Sixte II, à Rome. Le pape fut décapité le 6 août 258 par l’autorité impériale, Laurent fut martyrisé quatre jours après, le 10 août, par le feu, sans qu’on ait davantage de précision. La légende s’est ensuite enrichie d’épisodes montrant le courage et la générosité du saint, rapportant qu’il fut immolé sur un gril, instrument que l’on retrouve à côté de lui sur les tableaux et statues qui le représentent. Un tel tableau (peut-être du XVIII°) est installé dans l’église, dans l’angle sud-ouest.Le 10 août (reporté au deuxième dimanche d’août) reste la date de la fête de la commune de Lagardère.

L’église semble dater du XI° ou du XII° siècle

C’est l’opinion de l’abbé Cazauran, érudit gersois du XIXème siècle.

Elle est située sur un mamelon un peu à l’ouest de la « motte » (colline artificielle) du château. Construite en grand appareil (grandes pierres taillées), elle était de style roman, ce que les modifications ultérieures ont presque complètement caché. L’intérieur avait une vingtaine de mètres de long sur six de large.

Le chevet était plat, comme on en voit l’amorce sur les murs extérieurs (les pierres d’angle portent des marques des tailleurs de pierres). On peut penser qu’il était élairé par une étroite fenêtre axiale.

Le portail nord a été transformé plus tard, en réutilisant les matériaux romans. L’arc en demi cercle, actuellement brisé en ogive, était situé plus haut. L’archivolte montre encore trois séries de « pointes de diamant », avec à droite une rose à 6 pétales et à gauche une sorte de fleuron. L’arc actuel repose sur une base qui devait se prolonger en dedans jusqu’à l’ouverture du portail : à gauche, torsade avec damier en dessous, à droite, corniche ornée de fleurons non épanouis qui couronnent un damier.

Le « chrisme » (forme stylisée des premières lettres grecques du mot Christos) sculpté sur un marbre sans doute récupéré de ruines romaines, se trouvait sûrement au tympan du portail, sous l’arc roman, comme à l’église de Génens  (Montréal) . Il comporte les signes habituels : khi (X) et rho (P), sur lequel s’enroule un S latin . Les lettres alpha et oméga, accrochées au khi, se voient à gauche et à droite du rho. Le sens en est : Christos, Alpha Oméga, Salvator : Christ, alpha (début) et oméga (fin) de tout, sauveur. On voit en dehors du Chrisme un croix latine à droite et une autre à gauche. On ne connaît pas la signification des autres signes : P, E, 7, G et des deux petits cercles décorés.

A droite du portail, à une faible hauteur, une croix à branches égales, entourées d’un cercle est une « croix de consécration ». Elle correspond à la nouvelle consécration d’une église profanée, ou restaurée. Elle traduit sans doute les destructions de 1569, et la restauration qui a suivi, à la fin du XVIème siècle.

Des fenêtres étroites devaient éclairer l’édifice, on en trouve la trace dans la sacristie actuelle. 

Le clocher mur doit reproduire celui de l’origine. 

Le bénitier sur pilier, au milieu de la nef fait sans doute partie de l’église romane primitive. Il a été dérobé dans les années 1980. Un nouveau a été réalisé en 2016.

L’église a été profondément remaniée à la fin du Moyen-âge,

ou plus probablement au XVI° siècle après les destructions d’églises et de châteaux réalisées par les bandes huguenotes de Montgoméry, lancées sur la Gascogne à la  demande de Jeanne d’Albret (1569). Le portail a été transformé : de roman il est devenu gothique, ogival, comme on le voit aujourd’hui, par cassure et

réajustement des morceaux de l’arc initial. Le chrisme à été déplacé au-dessus de la nouvelle ogive.

Est-ce à cette époque , ou plus tard qu’a été réalisée la «chambre», au nord, prolongé par un hangar, pour les réunions municipales ?

La paroisse Saint-Laurent de Lagardère faisait partie au Moyen-Âge de l’archidiaconé de Pardeilhan. Mais elle était devenue, peut-être depuis les guerres de religion, une annexe de l’église de Roques, sans curé propre. En outre, avec la vente de la seigneurie de Lagardère en 1578, elle perdait son lien direct avec le clergé de Condom.

Le concordat de 1801 a conduit à une réorganisation de l’église de France. L’évêque constitutionnel Barthe était encore en fonction à Auch. L’évêché d’Auch a disparu et le diocèse du Gers est devenu dépendant d’Agen dont l’évêque, Jean-Jacques Jacoupy dirigeait alors deux départements. Seules les églises des chefs-lieux de canton sont devenues des cures paroissiales : les autres églises du canton devenaient des succursales. La cure était à Valence, et avait 16 succursales, dont Roques. Lagardère et Polignac (sur Gondrin) étaient des annexes de la succursale de Roques avec un vicaire permanent affecté à ces deux églises. L’archevêché d’Auch a été rétabli en 1823.

On connaît plus précisément au XIX° siècle la suite des opérations

grâce aux compte-rendus des délibérations municipales et aux archives diocésaines

En 1819, le conseil municipal de Lagardère demande l’érection de son église en succursale, comme Roques, justifiant cette demande par l’importance de sa population et la mauvaise qualité des chemins (en particulier l’embourbement, l’hiver du gué permettant de franchir le Grésillon pour aller à Roques). Le desservant de Roques s’y oppose. L’église reste desservie par un vicaire, mais de façon irrégulière, ce qui pousse le conseil municipal à faire auprès du préfet et de l’archevêque une demande de vicariat permanent. Le vicaire était payé par l’état, et recevait un supplément de 125 francs de la part de la commune de Lagardère, prélevé sur les impôts de la commune. Pour 1846, l’administration refuse ce prélèvement au prétexte qu’il n’y a pas de vicariat officiel. Une souscription dans la commune rencontre l’opposition de certains chefs de famille. A partir de 1849 il n’y a plus de vicaire, et il n’y a plus qu’une messe tous les quinze jours. En 1855 et 1856, la demande de vicariat est renouvelée. En 1879, une nouvelle demande d’érection en succursale est faite par le conseil municipal, sans succès.

En mai 1830, un devis de charpentier fait état de la rupture d’une poutre, et du pourrissement des lambris, lié à l’humidité des gouttières et à l’arrivée de la pluie le long du clocher (sans doutepar l’ouverture où passe la corde de la cloche). Le devis, approuvé par le préfet en 1832, les travaux ont été confiés par adjudication à Pierre Saint-Martin, menuisier à Ampeils (Valence).

En 1839, un nouveau devis prévoit de gros travaux : 

« Le sanctuaire étant trop étroit, à cause des deux angles rentrants que forment les deux murs, on désire démolir les murs du plein du sanctuaire et les reconstruire sur l’alignement des murs du restant de l’église : par ce moyen, le sanctuaire aura sept pieds de largeur de plus dans son pourtour » donc abattre le mur est (chevet) plat et constituer une abside semi-circulaire dans le prolongement des murs nord et sud.

Le mur détruit qui sera reconstruit en moellons : les pierres de taille ainsi récupérée serviront à « carreler les environs de l’autel, réaliser la marche où sont installée les balustres (chœur), et réaliser les nouvelles fenêtres ».

Il est prévu de carreler l’église en pierres de taille (était-il auparavant en terre battue ?), d’ajouter deux croisées au deux existantes, au nord et au midi, et d’exhausser de trois pieds (un mètre), l’ensemble des murs avec une corniche en tuiles canal à deux rangées. 

-l’exhaussement  a fait que le toit enveloppe maintenant la cloche, dont le volume sonore est assourdi : il est prévu de « monter la cloche »à l’ouverture supérieure du clocher. »

Une facture de février 1843 montre que les travaux, au moins ceux du plâtrier pour le nouveau plafond, ont été réalisés.

Mais dans la nuit du 22 au 23 août 1843, la foudre tombe sur le clocher, et le détruit en partie, ainsi qu’une partie du toit de l’église et de la « chambre » qui lui est accolée au nord. Ce sont les habitants de Lagardère qui financent les travaux de reconstruction : sans doute le clocher a-t-il été exhaussé, lui aussi à cette occcasion, la cloche restant dans une ouverture inférieure. Le contrefort que l’on observe à l’ouest doit avoir été réalisé à cette occasion. 

Le long du mur nord, de l’ouest à l’est, il y avait la « chambre », premier lieu de délibération de la communauté de Lagardère, et  de la commune, puis le passage permettant l’entrée dans l’église, puis un « hangar de Saint-Joseph », continuant jusqu’à la première fenêtre de l’église au nord est. Le hangar sera détruit, et il ne restera que l’emban conduisant à l’entrée. La cloison de bois, puis de briques séparant cet emban du hangar a été ausssi supprimée.

D’autres travaux ont été nécessaires en 1863 (l’autel avait été déplacé dans la nef, pour préserver l’officiant des chutes de pierres). 

En 1872, il y eut encore des réparations aux murs de la sacristie.

Le mobilier (autel, chaire, statues, confessionnal, tableau du fond de la nef représentant saint Laurent avec son gril, récemment restauré) date du XVIII° ou du début du XIX° siècle.


le nouvel autel

Sous l’ancien régime l’assemblée communale dirigée par les consuls se tenait sur le côté nord de l’église, soit sous l’emban (auvent) plus grand que l’actuel, partant du chevet et allant jusqu’au portail dont il était séparé par une cloison de briques, soit dans la « chambre » adossée à l’église, à droite du portail, qui dispose d’une cheminée. Ceci s’est maintenu après la création des communes (1790) jusqu’à la construction de la première mairie-école en 1838.

Depuis le 25 janvier 1960, l’église et le cimetière de Lagardère sont inscrit sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.

Récemment, l’église a été restaurée

Dans les années 1980, ce fut la réfection des peintures et l’assainissement du sol avec drainage le long des murs, à l’extérieur. L’humidité a cependant persisté.

De nouveaux travaux ont été réalisés en 2016. A cette occasion a été découvert un baptistère en pierre enterré parce que cassé en partie. La balustrade limitant le chœur a été enlevée. Un nouvel autel, en bois, et un lutrin, ont été réalisés par un artiste menuisier habitant la commune (M.Gabillon). L’ancien autel de la Vierge a été réinstallé contre le mur sud. Les fenêtres ont été munies de grillages pour empêcher les dégats des oiseaux. Les bancs ont été renouvelés.

L’église, parfaitement entretenue, fait partie de la paroisse de Valence. La messe y est célébrée une fois par mois environ, ainsi que le jour de la fête communale : pour la Saint-Laurent, le deuxième dimanche d’août.

vers l’est
vers l’ouest

Les chemins de Saint Jacques

Dès l’époque de Charlemagne (neuvième siècle), le pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle, à l’extrême nord ouest de l’Espagne, s’organise et prend de l’ampleur. C’est, avec Rome, le plus important pèlerinage vers un centre européen, dont l’intérêt ne s’est jamais démenti.
Progressivement, sous l’impulsion, au départ de l’ordre bénédictin de Cluny, des itinéraires balisés sont conseillés aux pélerins, avec des haltes (hôpitaux) prévues pour eux, et des postes de soins (infirmeries) en cas d’accident ou de maladie.

Quatre voies conduisent à St Jacques » écrit le Guide du Pèlerin d’Aimery Picaud en 1130.Deux d’entre elles traversent le Gers :

  • la « voie de Provence », venant d’Arles, et de St Gilles, passe par Toulouse, Auch, Barran, L’Isle de Noé, Montesquiou, Maubourguet…
  • la « voie du Puy » part du centre de rassemblement du Puy en Velay, et après Conques, Cahors et Moissac, entre en Gascogne, atteint Lectoure, ville épiscopale, Marsolan, Abrin, Castelnau dur Auvignon, Condom, ville abbatiale puis épiscopale (en 1317).

De Condom, vers l’ouest, entre D15 et D277, elle traverse l’Osse au pont d’Artigue, continue par Montréal, Lamothe, Eauze, Manciet et Nogaro. Autour de cette voie principale, d’autres itinéraires secondaires étaient prévus :

  • la « Peyrigne », nord-sud, du gué de la Garonne à Lécussan ou Boé, jusqu’à Abrin, en passant par La Romieu ;
  • un passage de Condom à Eauze par Mouchan et Gondrin
  • un passage de Lectoure à Nogaro par « la carrere roumiue » : St Puy, Castéra-Verduzan, Vic-Fezensac, Lupiac.
  • une autre voie nord-sud utilisait la Ténarèse (ligne de partage des eaux entre le bassin de l’Adour et celui de la Garonne : donc sans rivière à traverser) par Ste Maure (Lot et Garonne) Lannepax, Lupiac, Miélan.

Lagardère se trouve ainsi enserré dans un réseau (voie du Puy, carrere roumiue, Ténarèse) de chemins de St Jacques. On peut penser que les pèlerins l’ont vu, sur sa hauteur, abordé, longé. Les pèlerins d’aujourd’hui avec leur curiosité pour les abords du chemin y viendront facilement. Et, depuis Lagardère, les étapes jacquaires sont proches : 

En allant vers Compostelle :

ABRIN l’hôpital en 1271 avait 69 couettes, 42 couvertures et 11 draps. Il subsiste la chapelle avec une belle porte romane et un enfeu (tombeau inclus dans le mur).

CONDOM : La vieille abbaye St Pierre de l’ordre de Cluny accueillait les pèlerins. Elle fut relayée ensuite par plusieurs hôpitaux : Notre Dame du Pradau, St Jacques de Teste, St Jacques de la Bouquerie, Notre Dame du bout du pont des carmes, l’hôpital Berenjou de Barbet.

L’église St Jacques de la Bouquerie a été restaurée en 1770 après une crue catastrophique de la Baïse. Elle conserve, au chevet, des restes de l’hôpital et la porte « du vœu de la peste »;

L’église Notre Dame du Pradau date de 1212. Elle est le seul reste, très remanié, de l’ancien hôpital. L’église St Barthélémy du Pradau, en vis à vis de l’hôpital, a une belle porte romane dite des « capots ». Elle est devenue musée d’art sacré.

La cathédrale St Pierre date du XVI° siècle, par transformation de l’ancienne église abbatiale. La ville est devenue évêché en 1317. C’est une église-forteresse dont l’intérieur, gothique tardif, a été plusieurs fois remanié au XVII°, avec un cloître gothique restauré au XIX° siècle.

Le PONT d’ARTIGUE était au XIII° siècle sous la responsabilité de l’ordre espagnol de Santiago qui installa tout à côté sa commanderie, aujourd’hui disparue. C’est un pont roman à cinq arches inégales, probablement construit avant le XIII° siècle.

BRETAGNE d’ARMAGNAC, bastide (appelée auparavant Villecomtal) avait un hôpital, dit de Cauffey.

LA ROMIEU, sur la Peyrigne, fut fondée autour de l’ermitage d’un pèlerin allemand : Albert vers 1080. Au XIV° siècle, le cardinal Arnaud d’Aux, y édifia la collégiale St Pierre, avec une nef unique de quatre travées, un chœur pentagonal et un cloître gothique remarquable. A côté, se trouve la tour carrée, ancien palais du cardinal.

MOUCHAN a une église romane à trois absides avec transept et nef dans le prolongement du chœur. La voûte est moderne et la porte romane au nord, a été murée. Curieusement, à la place de l’absidiole sud s’élève un bâtiment allongé avec arcades doubles au rez-de-chaussée, plus tard surélevée en clocher, témoignant d’une construction fortifiée, plus ancienne que l’église et que l’on a ensuite harmonisée avec elle. Sans doute s’agit-il d’une modeste chapelle plus ancienne (XI° siècle) qui, à cause de la vénération dont elle était entourée, a été conservée et intégrée dans l’église du XII°.

Du Puy à St jacques de Compostelle :