Le Bossu

Le Bossu

C’est le roman « LE BOSSU », de Paul Féval, qui a rendu célèbre en France, le nom de son héros, Henri de Lagardère, courageux, généreux, astucieux et magnifique. Il a été publié en 1857, d’abord en feuilletons dans le journal « Le Siècle » d’Emile de Girardin, et obtint aussitôt un succès considérable.

  • Le roman raconte la lutte d’Henri de Lagardère, chevalier pauvre et sans appui, contre le prince de Gonzague, riche et puissant seigneur, cousin du futur Régent. N’ayant pu éviter l’assassinat du duc Philippe de Nevers par la prince de Gonzague, dans les fossés du château de Caylus, Lagardère a recueilli en secret son enfant, la jeune Aurore.
  • Dénoncé par Gonzague comme étant l’assassin du duc, Lagardère gagne l’Espagne où, durant dix-sept années, il s’oppose aux desseins du prince de Gonzague. Il utilise la « botte de Nevers », terrible passe que lui a enseignée le duc de Nevers avant de mourir, pour frapper les spadassins envoyés pour tuer l’enfant.
  • Aurore constitue en effet l’ultime obstacle empêchant Gonzague, époux de la veuve de Nevers, de disposer de la fortune du duc. A l’âge de vingt et un ans, Aurore est ramenée à Paris par Lagardère qui, a juré à Philippe de Nevers mourant de le venger. Il hante le quartier du Marais, en particulier la rue Quincampois, où, déguisé en bossu, dans le milieu des spéculateurs du système Law’s, il surveille le prince et son hôtel.
  • Menacé lui-même par le meurtrier du duc, le bossu redevient Lagardère, force le prince de Gonzague à se démasquer sous les yeux du Régent et le tue en duel.
    Aurore, retrouvant sa mère et sa fortune épouse son protecteur élevé au titre de comte de Lagardère par le Régent.

Le Bossu, au-delà d’un simple roman de cape et d’épée, présente une violente satire tant de la Régence que de l’époque contemporaine de l’auteur. Tout en stigmatisant le système de Law) révélateur de la déchéance de la noblesse au XVIIIe siècle, Féval dénonce avec un humour mordant l’agiotage faisant fureur sous la Monarchie de Juillet et lors des premières années du Second Empire.

C’est toutefois à son intrigue purement inventée, parfaite illustration de ce que représentait l’attente d’un public populaire, que Le Bossu dut son extraordinaire succès que les années n’ont pas entamé.

 

Paul Féval 1816-1887

Paul Féval naît le 29 septembre 1816 à Rennes. 

Son père, originaire de Troyes appartient à la petite magistrature, il est conseiller à la Cour de la ville.
Sa mère, Jeanne-Joséphine-Renée Le Baron, est bretonne de la région de Redon.
La famille est nombreuse (cinq enfants) et les revenus insuffisants. A la mort de son père il a 10 ans. Il est interne au collège royal.
Durant ces années d’enfance, il séjourne à plusieurs reprises à Cournon en Redon, chez son oncle, le marquis de Careil.

Bachelier en 1833, il obtient son diplôme de licence en droit en 1836. il prête serment en qualité d’avocat. Ses débuts sont maladroits ( la première affaire qu’il plaida , le cas d’un voleur de poules : Planchon) le couvrit de ridicule car Planchon, devant les bégaiements de Féval, se chargea de sa propre défense. Il partit pour Paris.

Au mois d’août 1837, il s’installe à Paris comme commis chez un oncle banquier, mais le monde de la banque et du commerce ne lui convient pas. Son oncle le chasse parce qu’il ne travaille pas. Il songe à la littérature, tout en exerçant de petits métiers qui assurent mal sa subsistance. Ses premiers écrits sont refusés par les éditeurs.

Jusqu’en 1843, il va mener une existence tourmentée, connaître la misère et exercer toutes sortes de  » métiers  » : secrétaire d’écrivains, commis de banque, inspecteur dans une compagnie d’affichage, correcteur d’épreuves. Auteur anonyme d’articles encyclopédiques, il rédige de la  » prose à la toise  » dans des Dictionnaires de conversation. Il place quelques nouvelles dans La Législature, Le Parisien, La Quotidienne, La Lecture. 

Des recommandations l’introduisent dans les milieux catholiques et royalistes. Le Club des phoques est le premier texte publié en 1841 dans La Revue de Paris. Son talent est remarqué par des éditeurs de journaux tels La Législature et le Courrier français. 

Anténor Joly, directeur de L’Epoque demande à Féval de remanier et de terminer un roman inachevé d’un auteur anglais, Les Aventures d’un émigré. Féval, se rend à Londres pour se documenter, et compose, sous le pseudonyme de Sir Francis Trolopp, un ouvrage pittoresque, Les Mystères de Londres, qui paraît en feuilleton dans L’Epoque en 1843. La carrière littéraire est engagée, suivent d’autres romans-feuilletons : Le Capitaine Spartacus, Les Chevaliers du Firmament, Le Loup Blanc. Il est désormais célèbre, Il se fait journaliste et fonde en février 1848 « Le Bon Sens du Peuple et des Honnêtes Gens », journal où il réclame, bien avant Jules Ferry, l’instauration de l’instruction primaire, gratuite et obligatoire, puis « L’Avenir national ».

Le Bossu, édition de 1857

Féval qui est un conservateur ressent durement la Révolution de 1848 : par ses écrits, n’a-t-il pas contribué à réveiller un mouvement qu’il réprouve ? Il décide donc de réorienter sa production dans une direction plus neutre, et poursuit ses publications. 1857 est l’année où sort Le Bossu, roman qui a un immense succès et auquel on l’associe encore de nos jours.

Il épouse la fille de son médecin, Marie Pénoyée, âgée de vingt ans, en 1854, il a 38 ans : le couple aura huit enfants dont Paul-Auguste-Jean-Nicolas Féval, né en 1860, qui continuera l’oeuvre de son père. 

Sous l’Empire, Féval est l’auteur à la mode, éclipsant presque Ponson du Terrail, restant l’égal d’About et de Feuillet, au point de vue des tirages. En 1863, il rencontre son homologue britannique Charles Dickens, avec lequel il noue des liens d’amitié Il n’est pas élu à l’Académie française mais préside à cinq reprises aux destinées de la Société des Gens de Lettres. Il est chevalier de l’Ordre de la Légion d’honneur sous l’Empire, 

En 1870, au moment de la défaite et de la Commune de Paris, il quitte Paris pour revenir à Rennes, quelques temps. En 1876, Il renoue ostensiblement avec la foi catholique, après un deuxième échec à l’Académie française et des problèmes financiers dus à une popularité émoussée. Il est promu officier de la Légion d’honneur sous la troisième République.

Le succès aidant, il est à la tête d’une coquette fortune, il sera ruiné en 1875 par des spéculations hasardeuses sur l’empire ottoman, et une deuxième fois en 1880 : son voisin, s’est enfui avec ses économies !… Ses amis écrivains constituent un comité (J. Claretie, A. Daudet, A. Dumas fils, O. Feuillet, C. Gounod, H. Malot, V. Sardou), et présidé par E. About, de l’Académie française, qui recueille des souscriptions.

Féval s’est essayé à la plupart des types de roman : le roman de cape et d’épée avec Le Bossu, Le cavalier Fortune, Le Capitaine fantôme ; le mystère de la ville avec les Mystères de Londres ; les récits bretons La Belle étoile, La Première aventure de Corentin Quimper ; le fantastique avec La Vampire, Le Chevalier Ténèbre. Il s’est aussi essayé au théâtre et même à l’histoire politique et judiciaire. Se revendiquant breton, il utilisa abondamment les thèmes de la Chouannerie et des luttes politiques précédant l’annexion de la Bretagne.

Il a été un écrivain très prolifique, car son œuvre comprend plus de 200 volumes.
Au début des années 1880, il est sujet à des crises d’hémiplégie et il est recueilli par les frères Saint Jean de Dieu, à Paris. Quasi-oublié dans ses dernières années, il va les consacrer à remanier son œuvre dans un sens plus conforme à la morale catholique. Sa femme meurt en 1884. Il meurt le 8 mars 1887. 

De grande érudition, il parlait l’anglais, l’allemand et l’espagnol avec la plus grande facilité. Il possédait une bonne connaissance de la littérature étrangère et jouait du piano. C’était un travailleur infatigable : plus de douze heures par jour. Ses correspondants jugent son style vif, alerte, spirituel, pétillant d’esprit, plein d’imagination la plus gaie et fourmillant de néologismes

Paul Féval (fils) 1860-1933

A la mort de son père, son fils avait 27 ans. Il avait déjà écrit quelques nouvelles. Il va bientôt, en 1893, donner logiquement, lui le fils, un fils au Bossu, puis des petits enfants, en 1895. 

En revenant au Bossu lui-même, il exploite des périodes qu’il considérait comme sous-exploitées par son père : ce sera les chevauchées de Lagardère en 1909, et la suite : Mariquita en 1922, en 1905, il modifie la fin du Bossu, en faisant s’échapper Gonzague et en 1923, il écrit Cocardasse et Passepoil qui raconte la nouvelle poursuite de Gonzague, et son élimination définitive dans les fossés du château de Caylus, parallèlement à une forte production d’autres romans d’aventures. En 1929, il prend pour héroïne une femme, l’arrière-petite-fille du Bossu, et ses aventures sous la Révolution et l’Empire. Un dernier volume paraîtra après sa mort : sa reconstitution de la jeunesse du Bossu.

Il s’est également inspiré de son père en écrivant Les bandits de Londres, qui n’est pas sans rappeler Les Mystères de Londres. Enfin, Féval fils a su exploiter l’autre veine à succès de son père, celle de la veine fantastique et vampirique, avec des romans comme Les vampires de la mer (1929), ou Le réveil d’Atlantide (avec H.-J. Magog, en 1923), mais ici, suivant l’air du temps, il modernise le fantastique, lui fait perdre la coloration gothique qu’il avait chez son père, pour le confronter à la science et au positivisme, ce qui fait de lui, de l’avis général, l’un des précurseurs de la science-fiction à la française.

On lui doit ainsi la rencontre improbable de Cyrano et de d’Artagnan, dans d’Artagnan contre Cyrano (4 volumes, 1925) suivi de d’Artagnan et Cyrano réconciliés (3 volumes, 1928). Il a enfin publié Le fils de d’Artagnan (1914) et La vieillesse d’Athos (1930), ces deux dernières oeuvres n’étant que lointainement rattachées aux intrigues de la trilogie des Mousquetaires.

Plus généralement, Paul Féval fils a proposé une oeuvre de fantaisie, destinée plus volontiers à la jeunesse et sans grande prétention, qui emprunte à plaisir aux conventions romanesques de l’époque.

LA FAMILLE DU BOSSU

Il y a 9 romans ayant pour héros un membre de la famille de Henri de Lagardère « le Bossu » : le premier, écrit par Paul Féval le père, les autres par Paul Féval le fils . On peut les regrouper selon les époques où se passe l’intrigue : du règne de Louis XIV, à la Restauration qui suit l’épopée napoléonienne, en indiquant entre parenthèses la date de parution : . 

LA JEUNESSE DU BOSSU (1934)

LE BOSSU (1857)

LES CHEVAUCHEES DE LAGARDERE (1909)

MARIQUITA (1922)

COCARDASSE ET PASSEPOIL (1923)

LE FILS DE LAGARDERE (1893)

LES JUMEAUX DE NEVERS (1895)

MADEMOISELLE DE LAGARDERE (1929)

LA PETITE FILLE DU BOSSU (1931)

Après « le Bossu », histoire d’Henri, Il y a donc quatre livres qui concerne ses descendants évoluant sur environ un siècle.

Le genre littéraire reste celui des romans feuilletons : chaque chapitre, ou presque, raconte une histoire particulière, ce qui fait beaucoup de « petites histoires », avec des personnages secondaires, dont certains vont se retrouver au fil des évènements, eux-mêmes ou leurs descendants, soit comme amis et aides du héros Lagardère, soit comme liés avec l’ennemi principal. 

Car il y a toujours des « bons » et des « méchants ». Les premiers sont parfois généreux et entièrement admirables, parfois, un peu ridicules, ajoutant une note comique au tragique de leurs tribulations. Les seconds, foncièrement haineux, sans raison évidente, souvent intelligents et rusés, toujours faux, malhonnêtes, parfois lâches, et alors qu’on les croyait morts, se retrouvent étonnamment rescapés dans l’épisode suivant.

La toile de fond est toujours l’Histoire de France, dans ses épisodes supposés connus par un public qui a été scolarisé. Les personnages et les évènements utilisés sont conformes à l’histoire officielle. L’auteur a pris soin d’étudier le détail des lieux et des acteurs. Il ne semble pas y avoir d’erreur dans les faits qui coïncident avec l’Histoire. Mais beaucoup d’évènements et de personnages sont ajoutés. Si l’on comprend à quel point la famille Lagardère a déterminé le cours de l’Histoire de France, c’est toujours avec discrétion, sans fausser l’Histoire officielle.

Le style littéraire est irréprochable, sans relâchement. On trouve les ingrédients classiques du genre :

-la manifestation du courage, de l’esprit de décision, de l’astuce des héros, même dans les situations les plus difficiles 

-l’association, chez les « méchants« , de la haine, du mensonge, de la tromperie, parfois de la lâcheté.

-un fond d’histoire d’amour, souvent impossible ou malheureux, jusqu’à un dénouement rassurant.

-une accumulation d’épisodes, parfois presqu’identiques, d’attaque dans des auberges, d’enlèvements, de piège tendu par une fausse lettre, de déguisements, de cavalcades furieuses, de combats à l’épée, en duel ou en groupe, beaucoup plus rarement avec armes à feu.

-A la fin de chaque livre un dénouement spectaculaire, avec autorité de l’autorité légitime (le roi ou l’empereur) qui joue enfin son rôle pour le rétablissement de la justice.

En voici un résumé :

LE BOSSU

Premier tome : Le Petit Parisien

Première partie : Les Maîtres en fait d’armes

Lagardère sauve l’enfant de Philippe de Nevers et jure de retrouver son meurtrier.

En 1699, dans la vallée du Louron. Le vieux marquis de Caylus, qui fut jadis courtisan à la cour de Louis XIV, vit dans son château avec sa fille Aurore qu’il destine au puissant Philippe de Gonzague, cousin de Philippe d’Orléans et de Philippe de Nevers. C’est pourtant avec ce dernier qu’Aurore s’est mariée clandestinement et a eu une fille, elle aussi prénommée Aurore. Philippe de Gonzague est l’invité du marquis depuis plusieurs jours et trame, avec l’aide de son fidèle Peyrolles, un complot contre son cousin Nevers. Décidé à l’assassiner, pour s’approprier sa femme et sa fortune, il a fait recruter une poignée de fines lames et fait porter un mot à son cousin pour l’attirer au château de Caylus. Deux anciens maîtres d’armes, Cocardasse et Passepoil, font partie de cette équipe de mercenaires et vantent, dès qu’ils apprennent le nom de celui qu’ils doivent tuer, sa botte secrète que l’on dit imparable : un seul homme pourrait en venir à bout, le chevalier Henri de Lagardère, qu’ils ont connu à Paris. Le voici d’ailleurs qui arrive, sur la route de l’exil, attendant lui aussi Nevers pour un combat singulier. Écœuré d’apprendre ce que l’on trame à son encontre, Lagardère prend le parti de prévenir son adversaire, et se voit confier Aurore et l’acte de naissance prouvant qu’elle est la fille du duc de Nevers et d’Aurore de Caylus. Lagardère et Nevers affrontent seuls, dans l’obscurité, les hommes payés pour tuer le duc. Dans sa grande lâcheté et devant l’habileté des deux hommes à repousser les attaques, Gonzague frappe son cousin de son épée, dans le dos, le laissant pour mort aux pieds de Lagardère qui jure de le venger et parvient à blesser la main de l’assassin. Alors qu’il emporte l’enfant dans ses bras, Lagardère déclare :

« Qui que tu sois, ta main gardera ma marque. Je te reconnaitrai. Et, quand il sera temps, si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! »

Deuxième partie : L’Hôtel de Nevers

En 1717, Philippe d’Orléans est Régent du Royaume de France depuis deux ans, en attendant la majorité de Louis XV et son cousin Philippe de Gonzague est devenu le troisième personnage le plus important du royaume de France. Il habite désormais dans l’hôtel de Nevers, à Paris, qu’il transforme presque intégralement en place de commerce, louant à prix d’or des emplacements pour des offices de change. Cocardasse et Passepoil, qui ne s’étaient pas revus depuis l’assassinat de Nevers, se retrouvent par hasard lors d’une énième vente aux enchères d’offices, où le dernier disponible est acheté par un bossu nommé Ésope. Bien que marié à Aurore de Nevers, Gonzague ne peut adresser la parole à celle qui vit recluse dans le souvenir de son mari et de sa fille, ni jouir des biens du défunt. C’est pour cette dernière raison qu’il convoque un conseil de famille et fait entrer celle qu’il prétend être la fille de Nevers – en réalité Dona Cruz, une Espagnole qu’il tient au secret -. Contre toute attente, Aurore de Nevers assiste au conseil et refuse de reconnaître sa prétendue fille, arguant qu’elle sait où elle se trouve. Quand Gonzague apprend que Lagardère et la fille de son cousin sont à Paris, le bossu prétend l’aider à préparer un enlèvement et parvient à se faire inviter au bal du Régent.

Troisième partie : les mémoires d’Aurore.

A Paris, près du Palais Royal, il y a une « étrange famille » : un ciseleur de poignées d’épée, toujours dehors, une cuisinière et son petit-fils : Françoise Berrichon, et une très belle jeune fille, quasiment cloîtrée : Aurore. Souvent passe un mystérieux bossu. Aurore rédige une longue lettre à sa mère, qu’elle ne connaît pas, mais que Lagardère (le ciseleur) lui a promis de retrouver. Elle raconte ses souvenirs : son périple en Espagne, avec Lagardère, avec fuite lorsqu’ils sont attaqués à Vénasque, à Pampelune, en Castille. Ils recueillent une jeune gitane (Flor), pendant quelques semaines qui, par ses dons d’hypnose, les délivre d’un guet-apens. A Madrid, où Lagardère a beaucoup de succès par son talent de ciseleur, elle croise, sans le voir le Prince de Gonzague, très proche du Régent de France, et le jeune marquis de Chaverny, à qui elle épargne la correction de Lagardère. Elle analyse ses sentiments et se révèle profondément amoureuse de cet homme qui la protège au péril de sa vie, depuis sa petite enfance. Il s’absente parfois assez longtemps, et à son retour raie des noms sur une liste de huit personnages. Seuls deux ne sont pas rayés : Gonzague et Peyrolles. En rentrant en France ils passent par le château de Caylus, qui semble profondément émouvoir Lagardère. A Paris, ils vont au cimetière St Magloire, se recueillir sur la tombe du duc Philippe de Nevers. Le bossu fait venir Flor (qui est Dona Cruz) retrouve Aurore, et, doublant Peyrolles fait conduire les deux jeunes filles au bal du régent.

Deuxième tome : Lagardère !

Première partie : au Palais Royal

Au palais royal se tient le bal du régent. Le bossu obtient du régent un sauf-conduit pour Lagardère. Lagardère a envoyé Flor (Dona Cruz) au bal. Il a habillé Aurore d’un vêtement de cour pour la conduire à sa mère au cours du bal. Auparavant il a un entretien avec la mère, qui se passe mal : elle l’accuse de retenir sa fille par profit et rejette l’aveu de leur amour mutuel. Parallèlement Aurore est enlevée par Gonzague et Lagardère comparaît devant le régent en accusé par la mère pour avoir empêché sa fille de revenir chez elle, et de vouloir l’épouser pour hériter de son immense fortune. Gonzague l’accuse en outre d’être l’assassin de Nevers. Il est convenu qu’un nouveau conseil de famille se tiendra dans 24 heures dans l’Hôtel de Nevers. Gonzague organise un guet-apens, ou Lagardère est blessé, mais s’échappe et disparaît. 

Deuxième partie : le contrat de mariage

Gonzague, dans sa maison de campagne (folie), organise un souper avec Flor qu’il veut faire passer pour Mlle de Nevers. Il garde en retrait, Aurore identifiée comme gitane, qu’il veut faire épouser à Chaverny. Le Bossu se présente comme marié de rechange. Il fait comprendre à Aurore qui il est. Elle prend l’air fasciné et accepte. Le contrat est signé. Il reste à mettre les noms des mariés : Aurore de Nevers et Henri de Lagardère.

Le bossu vient. Il parie avec Chaverny qu’il boira plus que lui sans s’effondrer. Chaverny s’enivre, et devient immariable.Le bossu se dévoile. Il est cerné mais se défend grâce à l’épée qu’il a prise à Peyrolles. La princesse, mère d’Aurore, arrive alertée par un message du bossu, transmis par Cocardasse. La lutte cesse. Aurore va avec sa mère à qui Lagardère la confie. Lui-même est emprisonné au Châtelet pour comparaître le soir devant le régent et les juges, comme il l’avait promis.

Troisième partie : Le témoignage du mort

Lagardère parvient à faire évader Cocardasse, Passepoil et Chaverny qu’il charge de faire porter un message à la mère d’Aurore (écrit avec son sang sur son mouchoir). Il est ensuite jugé par un tribunal au Châtelet et condamné, d’abord à l’amputation du poignet droit sur la tombe de sa « victime » (Philippe de Nevers), au cimetière saint Magloire, prévu vers 8 heures du soir, puis décapité à la Bastille. Aurore de Caylus a lu les « mémoires » de sa fille, est bouleversée, et accepte finalement son amour de Lagardère. A la suite du message de Lagardère, Aurore de Caylus et sa fille viennent demander au juge du Châtelet l’autorisation de venir le voir au cimetière pour un mariage entre Henri et Aurore de Nevers. Vers 5 heures se déroule à l’hôtel de Nevers (proche du cimetière) le conseil de famille, prévu la veille., en présence du Régent Malgré l’opposition de Gonzague, son épouse demande et obtient du régent que Lagardère, lors de son passage proche vers le supplice, soit présent à ce conseil qui le concerne. Il arrive, menotté, apostrophe Gonzague qu’il accuse à nouveau du meurtre de Nevers. Il lui demande de rompre les sceaux du document de l’état civil d’Aurore, fille de Nevers, en disant que Nevers, mourant a écrit au verso, avec son sang, le nom de son meurtrier. Gonzague, affolé, brûle le document, avouant ainsi son crime en public, et tente de tuer Lagardère. Il s’enfuit dans le cimetière voisin, dans la nuit. Lagardère, muni de l’épée que lui a donnée le Régent le poursuit, et avec l’approbation du régent le tue, grâce à la botte de Nevers, sur le tombeau de son ancienne victime : Philippe de Nevers. Le Régent approuve le mariage d’Aurore et de Lagardère, demandé par la mère d’Aurore, et fait Lagardère comte, disant que seul le roi, à sa majorité pourra le faire duc de Nevers.

I-LE FILS DE LAGARDÈRE

Son histoire est abordée de deux points de vue successifs : celui de Philippe, le fils de Lagardère, et celui de sa mère, Aurore de Nevers.

Le contexte est celui de la guerre de succession d’Autriche, juste après la bataille de Fontenoy, en 1745. Louis XV règne effectivement depuis 22 ans. Il a trente-cinq ans.

Le « méchant » est le vieux Peyrolles, l’âme damnée de Gonzague, que l’on croyait mort. Il va utiliser plusieurs personnages qu’il manipule comme des « instruments » selon le texte, en particulier :
-un homme d’armes allemand puissant et adroit, Mathias Knauss ;
-une jeune femme cultivée, Bathilde de Wendel, née à Bruges, en Belgique.

Philippe, enfant trouvé, arrive vers l’âge de trois ans sur les côtes normandes, dans une barque en train de sombrer, avec un anglais qui meurt aussitôt. Il est recueilli et élevé par de braves pêcheurs, puis à Paris, ou Passepoil, l’ancien compagnon de Cocardasse, vieilli et rangé, le prend en charge et lui apprend le maniement de l’épée, où il excelle très vite. Logiquement il entre dans l’armée où il devient « le sergent Belle-épée ».
Il ne comprend pas pourquoi il est harcelé, attaqué plusieurs fois par Knauss, et placé dans des situations périlleuses dont il se tire avec courage et intelligence. A l’armée il se lie d’amitié avec le vieux Cocardasse, qui, petit à petit, croit reconnaître le fils du Bossu.

Parallèlement, Aurore de Nevers est veuve de Henri comte de Lagardère, qui a été lâchement assassiné. Leur fils Philippe, tout petit, a été confié à une jeune femme, Bathilde, qui lui a paru digne de toute confiance, à tel point qu’elle l’a « couchée » sur son testament pour le tiers de sa fortune. Mais l’enfant meurt vers l’âge de trois ans.

Quinze ans plus tard, elle est prise de soupçons sur le caractère naturel de la mort de son fils. Elle revient à Paris et grâce à une sorte de détective, appelé Hélouin ou Posen, autorise l’exhumation. Le cercueil ne contient pas un corps d’enfant, mais une sorte de poupée de mastic. Elle en déduit que son fils n’est donc pas mort. Seule Bathilde peut être responsable de la disparition de l’enfant. Logiquement la mère devrait être empoisonnée pour recueillir l’héritage.

Mais Cocardasse et Hélouin ont reconnu, à la fois Philippe, « sergent belle-épée » comme Philippe de Lagardère, et le vieux Peyrolles qui rôde autour par Knauss interposé. La mère retrouve son fils après des épisodes haletants. Elle le présente au roi, qui, conformément au vœu du régent le fait duc de Lagardère-Nevers. D’ultimes tentatives de Peyrolles échouent. Il est tué par Bathilde quand elle apprend comment il a trompé et étouffé son propre père, à Bruges.

C’est alors le triomphe des Lagardère, de la mère et du fils, qui épouse Olympe, fille de Dona Flor, la meilleure amie d’Aurore, et de Chaverny.

II-LES JUMEAUX DE NEVERS

On est à la génération suivante : Philippe et Olympe ont eu deux jumeaux, Henri et Blanche.

L’histoire est plus difficile à suivre, avec imbrications de nombreuses intrigues, et plusieurs aller-retours dans le temps.

Le contexte est celui de la dernière partie du règne de Louis XV, environ vingt ans après l’histoire précédente, et du traité de Paris de 1763, par lequel le roi a donné le Canada aux Anglais, en toute indifférence.

Il n’y a pas un unique « méchant », mais une atmosphère malsaine d’un ancien régime décadent, où dominent les frasques sexuelles du roi, entretenues par ses vieilles maîtresses, en particulier Madame de Pompadour, qui veulent conserver leur pouvoir sur lui ; et le vide d’une noblesse de cour qui a perdu ses valeurs et devient méprisable, comme le duc de Fronsac.

L’histoire concerne surtout Blanche, dans un premier temps, puis son frère Henri, pour les rassembler ensuite.

Madame de Pompadour, ex-maîtresse, garde son prestige en alimentant le roi dans un roulement de jeunes filles éphémères qui viennent s’offrir au roi dans une maison de Versailles, appelée le « Parc aux Cerfs ». C’est dans ce but qu’elle fait enlever Blanche de Lagardère, dont les parents sont en voyage. Blanche ne comprend pas la situation. Le roi, déguisé, surpris par sa résistance est désemparé. Il apprend qu’elle est la fille du duc de Lagardère, entre en colère contre madame de Pompadour, qui tombe malade et meurt.

Henri, son frère, alerté par son ami Dizons, recherche sa sœur. Il finit par suivre le carrosse qui gagne le « Parc aux Cerfs », sans savoir qu’il abrite le roi. Il arrête le carrosse, mais est aussitôt accusé de crime de lèse-majesté, et conduit à la prison du Châtelet.
Ne sachant pas que son père a obtenu le pardon du roi, le prisonnier s’échappe, part au Canada toujours nostalgique de la présence française. Il rentre en France quelques années plus tard sous une fausse identité. Après diverses péripéties, il rencontre la nouvelle maîtresse officielle du roi : la comtesse du Barry. C’est le coup de foudre réciproque.

A la suite d’aventures épiques, le frère et la sœur se retrouvent avec leurs parents.  Dizons épouse Blanche. Henri rompt avec madame du Barry. Mais vingt-quatre ans plus tard, quand celle-ci monte à l’échafaud. C’est le nom d’Henri, qu’elle prononce comme son dernier souvenir le plus cher.

III-MADEMOISELLE DE LAGARDÈRE

Avec un nouveau recul de vingt ans, on aborde la Révolution.

Le contexte est la Révolution Française, à l’époque de la Terreur, avec ses vedettes, puis les Thermidoriens, auquel vient rapidement s’ajouter le général Bonaparte. Les deux parties du livre correspondent d’abord à la Terreur, jusqu’à Thermidor (27 juillet 1794), puis à la réaction royaliste et la montée en puissance de Bonaparte (jusqu’en 1800).

Les méchants sont de plusieurs natures : d’abord Robespierre et son entourage de terroristes, puis le vicomte de Bresle, envoyé des émigrés, sous divers noms.  Ce n’est pas tant son rôle politique qui est en cause, que sa relation personnelle avec Rita : Il cherche à la violer, et doit subir de sa part une humiliation méprisante qui décuple sa haine. Il deviendra plus tard, traître à son pays.

Le duc et la duchesse de Lagardère (sans doute Henri, le frère de Blanche) ont eu une fille unique : Marie, qu’on surnommera rapidement Rita

Ils ont refusé d’émigrer, mais au début de 1791, le château est brûlé par les Jacobins, le duc et la duchesse assassinés, et la jeune fille de dix à quinze ans, enlevée puis récupérée par le vieux Dizons, ami de Henri. Ils partent en Amérique. Trois ans après, en 1794 (an II), Rita veut rentrer en France. Elle achète le cirque Zinetta. Elle y tient le rôle de directrice, d’acrobate et d’épéiste, et regroupe des personnages hauts en couleur, en particulier Melle Angéline Ladoucette, énorme femme canon, à la force herculéenne, et un nain très intelligent : Tristan-le-Bref.

Rita et son cirque arrivent à Bordeaux, passent à Nantes, où elle délivre Jean de Florac, qui devient Floris dans le cirque, et tombe amoureux de Rita, sans espoir. A Paris, à cause du cirque, elle entre en relations avec Robespierre qui tombe amoureux d’elle. Mais elle veut le combattre. Tallien lui demande de venir dans une réunion d’anti-Robespierristes, où elle s’éprend du général Bonaparte, ou de celui qu’elle croit être le général, et qui est Floris, déguisé, venu la protéger. Robespierre lui déclare son amour. Elle le pousse à affronter brutalement la Convention. Ce qu’il fait le 9 thermidor. L’assemblée se retourne contre lui, et veut l’arrêter, mais avec ses partisans, il s’enferme dans l’Hôtel de Ville. Les éléphants du cirque dégagent la place, et Rita veut parlementer avec Robespierre. Florac la suit pour la défendre. Robespierre est repris et guillotiné.

Le parti royaliste devient plus fort. Les émigrés envoient un émissaire : de Bresle organise l’insurrection du 13 vendémiaire. Rita obtient de Bonaparte un cessez-le-feu honorable, mais ne la reconnaît pas. Plus tard, elle apprend le projet d’attentat à l’explosif contre le premier consul de Noël 1799. Elle oblige Cadoudal, prestigieux chef royaliste à s’en désolidariser, par un combat à l’épée dans les catacombes. Lors de l’attentat, rue St Nicaise, son coup de feu retarde suffisamment le déclenchement de la « machine infernale » pour que le carrosse du premier consul passe indemne. Peu après, attirée par de Bresle dans une ferme de Normandie, elle est sauvée par Florac et les gens du cirque. Bonaparte arrive et tout s’explique. C’est Florac, déguisé en Bonaparte qu’elle a toujours aimé. Ils se marient, et elle reçoit la Légion d’Honneur.

IV-LA PETITE FILLE DU BOSSU

Il s’agit toujours de Rita, Marie de Lagardère, qui est en réalité l’arrière-petite-fille du Bossu.

Douze ans après la fin du livre précédent, le couple, sans engagement politique est ami de Napoléon. Leur fils est appelé Henri-Napoléon. L’empereur leur a rendu les titres de duc et duchesse de Lagardère-Nevers.

Le contexte est celui de la fin de l’Empire, dans une atmosphère de déclin. Napoléon quitte le siège de Moscou en flammes pour restaurer son pouvoir menacé à Paris. Puis c’est la bataille de Waterloo, après les cent jours

Le méchant est toujours de Bresle, traître à son pays, trompeur haineux ; puis sa maîtresse Anne Marie Plovenec, collaboratrice de Fouché, et plus tard, chef de la police.

Marie, son mari et plusieurs artistes du cirque déjouent plusieurs pièges tendus par de Bresle à Napoléon, lorsqu’il rentre seul avec Caulaincourt, de Moscou à Paris.
Un peu plus tard, à Waterloo, Marie va chercher Grouchy, mais elle est bloquée par de Bresle qui est dans l’armée ennemie. La famille va assister avec tristesse au départ de Napoléon pour Sainte Hélène

Amie personnelle de Napoléon, mais bien vue par le roi Louis XVIII, Marie apprend au retour de Las Cases, en 1817, les mauvais traitements qu’inflige le gouverneur anglais, Hudson Lowe à Napoléon. Elle décide de le délivrer en utilisant une invention toute récente : le bateau à vapeur. Elle met toute sa fortune dans la construction d’un tel bateau : « l’entreprise ». Un an après, le bateau, presque terminé est incendié par de Bresle et Anne-Marie.  Le couple Lagardère, recherché par la police, part, en Angleterre, en Russie, puis à New York. Un nouveau bateau est construit. Il est terminé au début de 1821. Il arrive à Ste Hélène en 3 mois, déjoue la surveillance des frégates anglaises grâce à un petit sous-marin annexe de type Nautilus. Mais Napoléon est mourant et refuse de partir. L’équipe rentre. De Bresle tente une nouvelle fois d’enlever Marie, elle le tue grâce à une vieille épée accrochée au mur.

Mais est-ce bien fini ? De Bresle a un fils Oscar, et Marie un fils, Henri-Napoléon. Paul Féval a sûrement mis là l’amorce de volumes à suivre…

Si l’on essaie de reconstituer la chronologie, on peut estimer

que Henri, le Bossu, est né vers 1682,
-Philippe, son fils, vers 1722,
-Henri et Blanche, les jumeaux de Nevers, vers 1746,
-Marie de Lagardère (Rita), vers 1776. 

Quelle famille !

Bien sûr, heureusement que les Lagardère étaient là pour redresser quelques erreurs de la monarchie ou de l’Empire, et toujours avec une grande modestie.

Il n’y a pas d’option politique bien affirmée, sinon le patriotisme, même si lors de la Révolution, la Terreur paraît l’incarnation du mal, et le Directoire, celui de la corruption. Mais le milieu émigré ne paraît pas meilleur. Fouché dans tous les régimes qu’il traverse joue, comme il se doit le rôle du démon sournois et très intelligent.

Curieusement le dernier héros de la famille est une femme (en 1921 !) dans un rôle plutôt de type masculin. Féval était-il devenu féministe ? 

Dans le seul dernier épisode, il y a une allusion au progrès scientifique avec presque un plagiat de Jules Verne qui est mort en 1905, et a publié « vingt mille lieues sous les mers » en 1870.

Même si à chaque génération les héros sont généreux, ouverts, proches des gens du peuple, Paul Féval-fils dans le dernier roman de la série qui sera publié après sa mort : « la jeunesse du Bossu » se sent obligé d’en faire un noble des Hautes Pyrénées, qui a épousé une princesse italienne de grande famille. Pourtant son père Paul Féval, au début du Bossu, en fait un enfant des rues de Paris, sans parent, sans doute un enfant trouvé qui sera anobli à cause de ses prouesses dans l’armée.

Mais d’autres hypothèses sont possibles : on peut en suggérer de plus vraisemblables.

   

Films

  • 1913 Le Bossu (André Heuzé)
  • 1925 Le Bossu (Jean et H.Kemm)
  • 1934 Le Bossu (R.Sti)
  • 1944 Le Bossu (Jean Delannoy)
  • 1952 Le Fils de Lagardère (F.Cerchio)
  • 1955 Le serment de Lagardère (L.K.)
  • 1959 Le Bossu (André Hunebelle)
  • 1967 Lagardère, Le Bossu (2 épis.) (JP Decourt)
  • 1998 Le Bossu (Philippe de Broca)
1925
1934
1944
1959
1967
1998

Paul Féval s’est-il inspiré de l’Histoire ?

Il n’y en a pas d’indice.

Pourquoi, en 1857, Paul Féval a -t-il choisi ce nom, qui ne peut pas provenir de sa Bretagne natale… mais il situe l’intrigue dès les premières lignes au coeur pyrénéen de la Gascogne, dans la vallée du Louron et les impressionnantes gorges de Clarabide (Hautes Pyrénées). Le « château de Caylus-Tarrides », dans cette vallée, serait une transposition du château de Génos (en ruines), dans la même vallée.

Henri de Lagardère est probablement un Gascon car le patronyme est bien lié au Sud-Ouest, même si le livre reste très évasif sur son origine. Dans « le Bossu », il est d’abord appelé « le petit parisien », avant même que l’on connaisse son nom : le chevalier de Lagardère qui, comme son surnom l’indique, vit dans la capitale.

En 1934, Paul Féval fils, dans « la jeunesse du Bossu », en fait le fils d’un modeste seigneur du Lavedan (sud des Hautes Pyrénées), et de la fille du duc de Gonzague-Guastalla.

Pourtant, à partir de l’histoire authentique, on peut évoquer une réponse possible à la question :

Il faut revenir au tout début du XVIII ème siècle, vers l’année 1700. 
La guerre de succession d’Espagne va commencer avec une série de revers des troupes françaises sur fond de vieillesse du roi Louis XIV, et de pauvreté des campagnes. L’arrivée du maïs, venu d’Amérique sous le nom de millet d’Espagne (milloc) ou de blé de Turquie (Turquet) n’a pas vraiment réussi : il faudra attendre le XIXème siècle pour que le maïs prenne ici toute sa place. Le rendement des céréales est médiocre : 5 pour un, en moyenne. Le meilleur rendement est celui du vin et des eaux de vie, mais il faudra attendre la guerre d’indépendance américaine au dernier quart du XVIII ème siècle pour assister à un véritable « boum » des exportations d’armagnac aux tout nouveaux États Unis grâce au boycott des eaux de vie anglaises…Les impôts ont régulièrement augmenté depuis un siècle, pour permettre les guerres quasi permanentes de Louis XIV contre une grande partie de l’Europe, et la dîme, l’impôt de l’Église dépasse parfois les dix pour cent…

Dans ce contexte difficile, les fêtes prennent une place considérable, et c’est le rôle des grands seigneurs d’en faire profiter les « petits » de leurs domaines. Le seigneur de Lagardère, depuis 1621, est Thomas de Maniban, dont la famille originaire de la région de Cazaubon, en Armagnac,  au nord-ouest du département actuel du Gers. Les Maniban sont devenus marquis et « grands seigneurs » à Toulouse et au delà.

Après Thomas, il y a eu un premier Jean-Guy, avocat général au parlement de Toulouse, puis un second Jean-Guy, président à mortier (dont la toque à la forme d’un mortier). Maintenant il y a Jean-Gaspard, le fils de ce Jean-Guy. Il a vingt ans, il va succéder à son vieux père, mais tranche déjà par son intelligence et son ambition. 

Un événement majeur qui consacre et renforce la renommée des Maniban, est le mariage à Paris, le 20 février 1707 de Jean-Gaspard avec Jeanne-Christine de Lamoignon, qui a, elle aussi vingt ans.

h^tel de Lamoignon, à Paris

Les Lamoignon sont de hauts représentants de la noblesse de robe parisienne depuis plusieurs générations.  Le père de Jeanne Christine, Chrétien-François, est président à mortier au parlement de Paris et depuis peu président de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres; son oncle, Nicolas, conseiller d’état , est intendant du Languedoc à Toulouse et à Montpellier ; son frère Guillaume, va devenir Chancelier de France  au gouvernement du roi Louis XV ; son neveu, Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, sera ministre et secrétaire d’état, partisan des Lumières, mais défenseur du roi Louis XVI lors de son procès politique, et guillotiné en 1794. Il a son boulevard à Paris,  dans le 8ème arrondissement.

L’hôtel de Lamoignon , à Paris, est un magnifique hôtel Renaissance, rue pavée, près de la rue Saint Antoine, devenue maintenant musée de l’Histoire de la Ville de Paris.

voilà ce qu’on a pu raconter :

« C’est donc à Paris qu’arrive, à la fin de 1706, Jean-Gaspard de Maniban. 

Jean-Garpard de Maniban

Il a grand train, de nombreux proches et serviteurs divers…Il est évident que se trouvent parmi eux des gens de ses domaines gascons : valets, palefreniers, gestionnaires divers, maîtres d’hôtel, peut-être un cuisinier de Lagardère (car on y mange déjà très bien !) avec son fils, jeune marmiton d’à peine dix ans….

Tout ce beau monde va s’installer dans l’hôtel de Lamoignon, ou ses dépendances, à Paris, dans le quartier du Marais.

Jeanne-Christine de Lamoignon

Les préparatifs durent quelques semaines. Le petit marmiton aide son père, mais explore aussi le quartier du Marais mêlant grands hôtels aristocratiques et milieux sordides. Il est fasciné par les jeux d’épée et rencontre un maître d’armes du pays, avec qui il peut parler gascon et apprendre le français. On le connaîtra sous le nom de Cocardasse. Il se prend d’affection pour ce gamin déluré et lui apprend le maniement des armes.

Peut-être, cet enfant, rôdant dans ce Paris grouillant a-t-il recueilli les nouvelles qui circulent : le vieux duc de Nevers va mourir dans cette année 1707, et son fils, nouveau duc, s’appelle Philippe de Nevers. Il a déjà quarante ans, va bientôt épouser Mariana Spinola, de haute noblesse italienne, et a la réputation d’un grand seigneur riche et généreux. 

Mais la fameuse « botte de Nevers », avant d’indiquer une passe d’escrime, est alors, pour tout un chacun un autre nom de la péninsule italienne en forme de botte, car Philippe de Nevers est de la famille Mancini, d’origine romaine, descendant du neveu du cardinal Mazarin, ministre, parrain et modèle de gouvernement pour le jeune Louis XIV. Mazarin avait donné le duché de Nevers à son neveu, après l’avoir acheté en 1659 au duc Charles de Gonzague, duc de Nevers et de Rethel en France, mais aussi de Mantoue et de Montferrat en Italie du nord.

Le marmiton, qui s’appelle Henri, bien sûr, revient à Lagardère avec son père après les fêtes à Paris. Il a été ébloui, il en parle tellement qu’on l’appelle ici, en se moquant gentiment de lui : le « petit Parisien ».

Huit ans après, lorsque son père lui demande de revenir avec lui à Paris accompagner le Président de Maniban en 1715, pour la naissance de sa deuxième fille Marie–Christine, à l’hôtel de Lamoignon, il saute sur l’occasion. Il a seize ans. Le roi vient de mourir après un très long règne. Le duc d’Orléans, régent de France, inaugure une période nouvelle, ou les mœurs se libèrent et les idées bouillonnent.

Cocardasse et Henri de Lagardère

Henri retrouve Cocardasse, qui a un peu vieilli et s’est associé à un normand Passepoil. Il va perfectionner son art de l’escrime et de l’épée, voulant lui aussi devenir maître d’armes. Comment l’appeler dans cette nouvelle association ? Henri Ardit, de son vrai nom ? ça ne dit rien. L’habitude est de nommer les nouveaux venus par leur lieu d’origine : Il devient donc Henri de Lagardère, mais n’est pas encore « Le Bossu », mais il est déjà un maître dans son art de l’épée et construit sa vie à Paris…

Bientôt, en 1720, ce sera l’essai et l’échec retentissant du système Law’s, ou les billets de banque devaient remplacer les écus…Quelle idée bizarre ! Il y aura des faillites dramatiques et des enrichissements suspects, des scandales qui remuent l’opinion.

Mais Henri de Lagardère a encore beaucoup d’aventures à vivre.

Reviendra-t-il au village, à côté du château ? On n’en a pas trace, mais il y a tant de documents détruits ou perdus dans les troubles révolutionnaires…

On peut simplement dire que sa légende demeure, renforcée par l’interprétation d’un breton de Rennes, appelé Paul Féval, en 1857, et que c’est un peu (ou beaucoup) par lui que le nom de Lagardère, son village avec son château, sont mieux connus et admirés. »

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