Seigneurs de LAGARDERE (1578-1791)

Seigneurs de LAGARDERE (1578-1791)

Pendant 3 siècles (1270-1578), les seigneurs de Lagardère ont été des personnages de l’Eglise : abbé, puis évêque de Condom, puis son chapitre. Comme dans d’autres châteaux dépendant de l’archevêque d’Auch (Lamaguère), on peut penser que le château était confié à un capitaine qui a pu s’intituler « seigneur de Lagardère », à la tête de sa garnison. Mais il y a eu également des « seigneurs de Lagardère » dans le petit village (aujourd’hui disparu, sans reste ni souvenir de château) de Lagardère-Saint Mont, fondu actuellement dans la commune de Labarthète (près de Riscle, à l’extrême ouest du département du Gers).

En 1578, le château de Lagardère passe à des nobles seigneurs laïcs, jusqu’à sa vente en 1791 à un riche habitant du village.

I – Pierre de LAVARDAC (mort vers 1585)

Il achète au chapitre de Condom le château de Lagardère le 28 mai 1578 -« contre des biens ruraux situés dans la juridiction de Gondrin et de Lagraulet » et la somme de 1142 écus, un tiers, 4 sols, et 6deniers (un écu vaut selon les époques, 4 à 6 livres).
En 1571, Lagardère rapportait au chapitre 80 livres tournois par an, et  le propriétaire écrivait alors espérer tirer de sa vente 8000 livres, soit 1500 à 2000 écus.
C’est un petit seigneur local qui est qualifié de seigneur du Lian lors de la vente. Il s’agit du Lian de Gondrin qui sera sans doute la dot de sa fille lorsqu’elle épousera Caulet. Il vient habiter Lagardère, et s’y établir. C’est sans doute lui qui fait des réparations sur un château qui a subi les dégradations des troupes de Montgoméry en fin 1569. C’est un homme d’armes, catholique, qui est sollicité par son voisin Montespan pour participer au siège de Vic en juillet 1587, alors aux mains des protestants.
Dans le réaménagement du château, on perçoit son souci de défense, avec l’ouverture en pont levis côté est, protégée par l’échauguette sud est ; mais aussi les préoccupations d’un résident avec sa famille et la domesticité : dédoublement de l’étage cellier-entrepôt, escalier, peut-être fenêtres bigéminées de la « salle », nouvelles cheminées.

On trouve de nombreux Lavardac dans la région, autour d’Eauze, depuis le XIV-XV° siècle, principalement les seigneurs d’Ayzieu, au sud ouest d’Eauze, mais aussi, seigneurs de Guerre (commune d’Eauze), de Bétoulin (commune d’Eauze), de St Amand (commune rattachée à Eauze), de Campagne (ouest d’Eauze) et Projan, de Meymes, d’Aumensan.

Le plus connu est le seigneur de Blancastel (commune de Manciet à mi-chemin d’Eauze) : Bertrand de Lavardac (vers 1470-1575), qui est sûrement un parent proche des Lavardac d’Ayzieu, et de Pierre de Lavardac. C’est à Lagardère que sera signé le contrat de mariage d’une Lavardac d’Ayzieu).

C’est un valeureux compagnon de Monluc, tant en Italie qu’en Gascogne, présent à Marignan et à Naples, chargé de 300 hommes. Il a été nommé gouverneur de Mont de Marsan.

Ses voisins les plus proches qu’il fut obligé de fréquenter sont :

  • Jean VI de Bezolles, seigneur de Bezolles, Beaumont, Lagraulas, Ayguetinte, blessé à Rabastens en 1570, comme Monluc, et son fils Bernard, agent farouche de la Ligue , qui attaque Panjas dans une escarmouche tout près de Lagardère, et ne fera sa soumission à Henri IV qu’en 1594.
  • Hector de Pardaillan-Gondrin, seigneur de Gondrin, Roques et Justian, mais aussi seigneur de Montespan en Comminges, chef de la ligue, basé à Valence.
  • son cousin Ogier de Pardaillan Panjas, d’abord compagnon de Monluc, rallié en 1571 à la reine de Navarre, peut-être, dit-on, pour être sûr d’obtenir en héritage le château de Pardaillan (actuellement commune de Beaucaire), Il est mort en 1576, son fils Charles seigneur de Pardaillan, chef huguenot, est attaqué par son voisin Bezolles…

Pierre de Lavardac fut donc un seigneur local, homme d’armes et bâtisseur.

II – Son fils Arnaud de LAVARDAC (mort en septembre 1615)

  1. Les guerres de religion sont finies, le pays est calme. C’est la fin du règne de Henri IV et le début de la régence de Marie de Médicis.
  2. Il semble avoir été un organisateur :
    – le 15 mai 1590, en accord avec les consuls de Lagardère, il fait procéder à la révision du cadastre, par Jean Jacques Laffargue, arpenteur de Francescas.
    – il est en procès avec le chapitre de Condom, à propos de la dîme de Lagardère. Une transaction intervient en 1599.

III – Sa fille et sœur d’Arnaud Alix de LAVARDAC

Elle apparaît comme une femme de caractère, très attachée à Lagardère, à l’occasion de la succession de son frère.

C’est une succession « à problèmes », puisque Arnaud ne laisse que deux filles illégitimes, Charlotte et Alix, et a légué le château au collège d’Auch, tenu par les jésuites.
Sa sœur Alix revendique la succession. Les jésuites d’Auch refusent le legs.

Mais Alix s’oppose alors à son mari, Jean Pierre de Caulet, seigneur de Lian, et le 3 décembre 1616, dans la « salle noble de La Gardère », par devant notaire,

« elle déclare que sollicitée par son mari de vendre…, elle se refuse à le faire, et va trouver son parent, le seigneur de Fieulx au château de Podenas, et maintient son dire que la vente ne se fera pas, malgré les mauvais traitements de son époux, qui la demande, et qu’elle ne cédera qu’à la violence… »

Mais les dettes apportées par l’héritage sont telles qu’elle est finalement obligée de vendre en 1617. Son mari, Jean Pierre de Caulet, qui a seul le droit de le faire, lui donne alors plein pouvoir pour aliéner cet héritage.La vente n’aura lieu que quatre ans après, en 1621. Auparavant, le château de Lagardère verra le mariage de Louise de Lavardac, fille du seigneur d’Ayzieu, et cousine d’Alix, avec le seigneur de Pimbat, de la famille des seigneurs de Rozès.
L’acquéreur est un voisin Jean de Maniban, seigneur du Busca, et haut magistrat au parlement de Toulouse.Mais il n’a pas l’argent nécessaire, et emprunte les 3200 livres, prix du château et de la seigneurie, à Philippe de Pins, seigneur d’Aulagnères, près de Valence, qui s’intitule seigneur de Lagardère jusqu’au complet remboursement de la dette, neuf ans après.

IV – Philippe de PINS

Qualifié de seigneur de Lagardère, il s’occupe de son nouveau domaine. Il réside au moins transitoirement au château, mais son titre de propriété est ambigu, comme le montre un litige à propos d’une coupe de bois qu’à effectuée un tuilier de Lagardère, avec l’accord du régisseur des Maniban, mais contre l’avis du seigneur d’Aulagnères

V – Thomas de MANIBAN (mort en 1652)

Il rembourse le prix du château à Philippe de Pins le 28 juin 1630, et prend aussitôt possession de sa seigneurie, tout en protestant « contre les ruines et destructions de toutes sortes qui se trouvent au château et au domaine de Lagardère « …C’est son père Jean de Maniban qui à fait l’achat de 1621. Il a donne « en apanage » Lagardère à son fils Thomas à condition qu’il rembourse…
La famille Maniban, est constituée à l’origine de bourgeois marchands de Mauléon d’Armagnac (à la point nord ouest du département) du nom de Labassa. En 1551, Jean de Labassa, dit de Maniban est seigneur de Lusson. Pierre, sans doute son fils épouse vers 1560 Françoise de Bousty, fille et héritière du seigneur de Busca et d’Ampeils (actuellement dans Valence).Leur fils Jean de Maniban fait une belle carrière de Magistrat qui débute à Bordeaux où il se marie dans la noblesse de robe, puis en 1614, à Toulouse , où il est nommé président au parlement. Il fait construire le château de Maniban, tout près de Mauléon, achète la seigneurie de Cazaubon, et celle de Lagardère, on l’a vu, en 1621. Il meurt vers 1630.Thomas de Maniban est un magistrat apprécié pour son activité et son adresse diplomatique. Dès 1632, il est avocat général. Il deviendra plus tard président à mortier au parlement de Toulouse.Il acquiert une grande notoriété pour son rôle majeur dans des affaires très « sensibles », dont l’intérêt, aujourd’hui, nous paraît parfois assez dérisoire :

  • un conflit d’étiquette entre le parlement et l’archevêque en 1639. Le parlement exige de l’archevêque un serment à genoux chaque année… ; comme tout autre membre du parlement. L’archevêque refuse et est mis à l’amende. Le parlement,et Maniban en particulier est excommunié. Il mène les tractations qui aboutissent à une conciliation satisfaisant l’honneur des deux parties.
  • un conflit plus grave entre le parlement de Toulouse et le conseil d’état. En 1643, à l’occasion du changement de règne, est établi, comme d’habitude un impôt par « droit de joyeux avènement ». Dans le Languedoc, il est appliqué de façon très dure. Maniban porte plainte au parlement qui casse l’édit du représentant royal. Les fermiers généraux en appellent au conseil d’état qui rétablit l’édit et démet Maniban de ses fonctions. Il est alors envoyé à Paris, ou il voit le ministre La Vrillières, la reine régente Anne d’Autriche et aboutit à une transaction favorable. L’histoire ne dit pas s’il a alors croisé son compatriote Charles de Batz d’Artagnan mousquetaire du roi…
  • un conflit de préséances entre le parlement de Toulouse et les Capitouls, avec des querelles byzantines en 1645-1645. Après 1646, il semble s’être retiré de Toulouse. Il meurt en 1652.

Il est attaché à son domaine qui se compose de deux parties ; en bas Armagnac autour de Maniban, Mauléon, Cazaubon ; et en Fezensac autour de Busca et Lagardère.

  • il fait construire le château du Busca, que l’on voit toujours et le termine en 1649,
  • en 1635, il donne Lagardère en afferme pour un bail de 6 ans de 1440 livres payables chaque année ;
  • en 1638, pour loger les gens de guerre envoyé sur place à l’occasions d’émeutes fiscales en Pardiac, chaque communauté doit mettre du sien. Les consuls de Lagardère ne paient pas. Lannepax, qui a du loger les soldats proteste et prend en gage un troupeau de bœufs de Lagardère. Maniban reprend le troupeau, prévient Lagardère, et permet une transaction qui amènent des remerciements des consuls de Lagardère.
  • en 1639 il met en afferme le Busca et 10 métairies.

château du Busca-Maniban

Par rapport aux Lavardac, l’ambiance est bien différente.Il n’y a plus de guerre locale, et Thomas de Maniban est le symbole de la réussite d’une noblesse de robe experte dans les rouages administratifs de plus en plus complexes de l’état. Le seigneur confie son domaine rural à des exploitants qui le paient. Il vit et agit essentiellement dans la capitale provinciale, ou même à Paris…

VI – Son fils Jean-Guy de MANIBAN (mort en 1717)

Il joue un rôle plus effacé au parlement de Toulouse, où il devient président à mortier en 1683.

Dans le pays, il arrondit son domaine : il acquiert Massencome en 1674 et Tilladet vers Gondrin en 1676.

château de Mansencome

Il devient marquis de Maniban en 1681, augmente la partie de don domaine située en bas-Armagnac de Toujouse, Monguilhem en 1685, de Campagne et d’Ayzieu, autrefois fief des Lavardac, en 1701. Comme son père, il afferme ses domaines : en particulier Lagardère à François Cugneau, grand propriétaire du village, en 1685. Le bail sera renouvelé.

Son voisin est moins discret que lui : Beaumont, appartenait aux Bezolles, Montespan, de la famille des Pardaillan Gondrin y est exilé, lorsque son épouse devient la maîtresse officielle du roi et qu’il proteste violemment.

Un peu plus tard son fils légitime deviendra duc d’Antin et sera comblé des faveurs du roi, jusqu’à laisser son nom à Paris…

VII – Jean Gaspard de MANIBAN (1686 – 31 août 1762)

C’est le membre le plus célèbre de la famille. C’est un grand seigneur digne représentant de la haute noblesse de robe et le dernier seigneur de Lagardère, avant que sa fille ne se débarrasse de son patrimoine. Gaspard est né en 1686, sous Louis XIV et mort en 1762, période noire du règne de Louis XV, 25 ans avant la révolution.

C’est d’abord un jeune homme intelligent et ambitieux d’une famille en pleine ascension sociale. Il en marque l’apogée.

Les Maniban, ont commencé leur fortune à la fin des guerres de religion. Partis de Mauléon d’Armagnac, à la limite des Landes et du Gers actuels, ils ont acheté une charge anoblissante, avancé dans la magistrature bordelaise, puis toulousaine. Il est le petit-fils de Thomas de Maniban, qui a acheté la seigneurie de Lagardère et son château en 1630.

Il est né à Toulouse à l’hôtel des Pins, près de La Daurade.

En 1705, à 19 ans, il obtient sa licence en droit civil et canonique, et devient conseiller au parlement.

Le parlement n’est pas une assemblée élue délibérative, comme les instances actuelles, mais un groupe de juges, ayant acheté leurs charges, à qui le roi a confié son pouvoir de justice. Le parlement de Toulouse est le premier parlement installé en dehors de celui de Paris, en 1444. Il comprend plus de cent juges. Ces juges royaux sont inamovibles, ce qui garantit leur indépendance. Ils doivent établir le droit positif, sanctionner ses manquements selon les lois coutumières écrites et les ordonnances royales. A cette époque, ils se posent en défenseurs de la cohérence du droit, devant enregistrer les ordonnances royales pour qu’elles soient applicables, et, vis à vis de la population en défenseurs de la morale publique grâce à une répression rapide et peu coûteuse privilégiant les châtiments corporels : fouet, roue, fer rouge, pour, disent-ils, « faire peur aux méchants », comme dans l’affaire Calas, divulguée par Voltaire.

Il est conseiller au parlement à 20 ans en 1706. A 28 ans, en 1714, il est président à mortier, c’est à dire qu’il préside un certain niveau de tribunaux supérieurs, La toque, en forme de mortier en est le symbole.

A 35 ans, en 1721, il devient premier président du parlement, c’est à dire son sommet hiérarchique. Il le reste jusqu’à sa mort, quarante ans plus tard.

Il semble que Gaspard de Maniban ait été un représentant accompli de cette haute fonction publique judiciaire : Simple et austère, sachant être fastueux et généreux dans les circonstances officielles, distant sans apparaître condescendant avec ses subordonnés. Cultivé, mais plus janséniste que partisan « des lumières », et profondément respecté.

A Toulouse

Il est très riche et maintient un grand train de vie avec des fêtes somptueuses dans son hôtel de Toulouse. En 1748 il achète le château de Blagnac, qu’il modifie, et où il mène une vie privée simple, avec des amis choisis.

Il est à la tête d’un lieu fondamental du pouvoir local, à côté des capitouls (la municipalité) et de l’archevêque.  Sa force est, entre autres, liée à son aptitude à élaborer des compromis pour ménager les susceptibilités locales extrêmement vives…Il va l’exercer à Toulouse et à Paris.

Il est généreux, participe à l’aide des pauvres de l’Hôtel-Dieu, à la fondation de l’Hôpital de la Grave, organise les secours lors des inondations catastrophiques de 1727.

Il est très tôt « mainteneur des Jeux Floraux », assemblée culturelle traditionnelle de Toulouse

A sa mort, le 31 août 1762, il est enseveli en grande pompe dans le cloître de la cathédrale Saint Etienne de Toulouse.

A Paris

Avec les autres parlements, surtout le plus important, celui de Paris, il prend part à la politique nationale.

Depuis le premier quart du XVIII° siècle, la tendance des parlements est de se considérer comme un organe de gouvernement qui a accompagné, sinon précédé le début de la monarchie, et doit contrôler le pouvoir des rois, en particulier en faisant difficulté pour enregistrer ses ordonnances.

Les parlements sont essentiellement de tendance janséniste, c’est à dire d’esprit rigoureux et pessimistes, mais aussi méfiants envers le pouvoir royal, comme envers l’autorité des papes sur l’église.

Ils visent un gouvernement des juges sans caractère démocratique, qui aboutira à un blocage vers la fin du règne de Louis XV, que Louis XVI ne sut pas gérer. Ils seront balayés dès les premiers troubles révolutionnaires qu’ils ont contribués à faire naître.

Gaspard de Maniban s’est d’ailleurs rapproché de façon spectaculaire du parlement de Paris en allant demander lui-même (et obtenir) en 1707 la main de la fille du premier président Lamoignon, Jeanne-Christine. Il est ainsi devenu, le beau-frère du chancelier (ministre de la justice), et de l’intendant de Toulouse et de Montpellier, et l’oncle de celui qui sous le nom de Malesherbes, sera le directeur de la librairie (c’est à dire de la censure) et protègera l’Encyclopédie de Diderot, et, plus tard défendra le roi lors de son procès avant d‘être guillotiné en 1794. Il revient à plusieurs reprises à Paris, où il a noué des relations importante à travers sa belle famille. C’est bientôt la régence (1715-1723), le système de Law et le triomphe du « bossu », selon Paul Féval… Chacun peut imaginer un lien entre les deux célébrités….

C’est un grand magistrat consciencieux et zélé, très absorbé par sa tâche, autoritaire et dominateur mais affable et courtois, urbain et « d’une gaîté décente » avec ses subordonnés. Sa présidence est marquée par la solennité et la grandeur. Il organise à Toulouse des réceptions somptueuses.

Il est austère, de tendance janséniste, conscient de représenter la morale et le bien public et d’être un des tout premiers grands serviteurs de l’état, qui doit savoir s’opposer, si nécessaire au gouvernement du roi. A la mort du régent et du cardinal Dubois, en 1723, devant les assemblées réunies il lève les mains en signe de bénédiction

Il est très riche et maintient un grand train de vie avec des fêtes somptueuses dans son hôtel de Toulouse. En 1748 il achète le château de Blagnac, qu’il modifie, et où il mène une vie privée simple, avec des amis choisis.

Il est à la tête d’un lieu fondamental du pouvoir local, à côté des capitouls (la municipalité) et de l’archevêque.  Sa force est, entre autres, liée à son aptitude à élaborer des compromis pour ménager les susceptibilités locales extrêmement vives…Il va l’exercer à Toulouse et à Paris.

Il est généreux, participe à l’aide des pauvres de l’Hôtel-Dieu, à la fondation de l’Hôpital de la Grave, organise les secours lors des inondations catastrophiques de 1727.

En 1727, pendant les inondations de Toulouse, il organise les secours. Il fait partie de l’académie des Jeux Floraux.

En 1728 – 1732 il s’oppose à l’enregistrement de nouveaux impôts, comme d’autres parlements.

En 1761 le parlement organise le procès Calas, mieux connu par les libelles de Voltaire. Il ne semble pas y avoir participé.

En Gascogne

Il vient chaque année dans son château du Busca, où il signe de nombreux actes notariés concernant ses terres, et en particulier de Lagardère.

Seigneur de Lagardère

Lagardère est une de ses nombreuses seigneuries. Il y a droit de haute et basse justice : c’est à dire qu’il mandate un juge et perçoit les amendes. Il y reçoit la dîme inféodée : c’est à dire, que la dîme, due à l’origine à l’église, lui revient de droit. Il a droit de taverne et de boucherie, c’est à dire que lui seul, ou ceux à qui il le concède moyennant un prix, a droit de vendre de la viande et du vin sur le territoire de la communauté. Il possède une métairie principale La Bourdette, et ses annexes, et une grande partie des terres de la future commune. Il a encore une tuilerie, alimentée par la ‘terrère’ d’argile et le bois, le long du Grésillon, pour alimenter le feu.

Les « affermes »

Mais en fait, tout cela est affermé à des bourgeois de la région, ou riches paysans locaux. A cette époque, après plusieurs représentants de la famille Liard, de Roques, c’est un membre de la famille Pérès, de Bezolle qui remplace le seigneur dans ses droits et revenus : essentiellement la métairie de La Bourdette, et ses dépendances : Padané à l’ouest, et Pebergé à l’est. Jusque vers 1710, le titulaire du bail à ferme résidait au château. Mais les Pérès s’installent à Pébergé et y font construire une belle maison de maître, ne laissant au château que des domestiques. Nous connaissons l’un d’eux, nommé Bernard Boyer, qui y fit son testament en 1756.

Le château

C’est alors que durent être faites les transformations qui adaptaient les structures d’un château résidentiel à celles d’une vaste entreprise agricole : fermeture de la porte est, devenue inutile, percement de placards, de fours dans l’ancienne salle d’accueil, aménagement de pigeonniers dans les deux tours. On n’a pas notion d’autres travaux importants d’entretien ou de restauration…

L’exploitation agricole est dirigée depuis La Bourdette.

Les campagnes sont un peu moins misérables qu’à l’époque de la fin du règne de Louis XIV. Le maïs, venu d’Amérique il y a deux cents ans, commence seulement à être semé et à prendre la place et le nom du millet ancien : « milhas », ou « turquet » (blé que l’on croyait venu de Turquie). Il n’y a plus de grande famine.

Dans les années 1770, la guerre d’indépendance des « insurgents » d’Amérique du nord, futurs États Unis, va susciter un développement important des eaux de vie d’Armagnac, grâce au boycott des eaux de vie anglaises.

Le village

Quelques familles confirment leur ascension sociale : Les Délas, descendants d’un muletier du marquis, au château du Busca, louent, puis achètent la nouvelle métairie créée par l’ancien « fermier » Cuigneau, La Bordeneuve, qu’on appellera bientôt « le Mulé ». C’est à Jean Délas qu’en 1791, la fille de Gaspard de Maniban vendra le château et ses dépendances. Les Péres s’installent à Pébergé et à Pelerey, Les Dupin au Hillet, une ancienne maison de tuilier ;

Retour à Toulouse

Gaspard en 1762, a 76 ans. Il est toujours premier président incontesté du parlement de Toulouse. La grande affaire est alors le procès des Jésuites. Depuis plusieurs années une machination animée par le parti janséniste, prépondérant dans les parlements, s’acharne à abattre la puissance de l’ordre, à partir de banales affaires d’argent, puis de contestation des règles mêmes de l’ordre. Tous les parlements se saisissent de l’affaire. Le parlement de Rouen, le premier, interdit l’ordre dans son ressort en janvier 1762. Il est rapidement suivi par ceux de Bordeaux, Rennes et Paris. Le procès s’ouvre à Toulouse le 24 avril 1762. Gaspard s’y est préparé et s’apprête à présider les séances ; mais il tombe malade et meurt le 31 août. Il a dû céder la place à un autre président. Il est enseveli en grande pompe dans le cloître de la cathédrale Saint Etienne de Toulouse.

Sa deuxième fille, Marie Christine, 47 ans, veuve du marquis de Livry, sans enfant, hérite de la plupart de ses biens. Mais elle vit à Versailles, et à Paris, et va vendre, les uns après les autres tous les éléments de son patrimoine. Après un exil à Londres, elle rentre en France, dans la région parisienne et meurt en 1804. Lagardère appartient alors aux Délas.

Dans ce complexe XVIII° siècle, Gaspard de Maniban a vu, et vécu les dernières grandes victoires de Louis XIV, puis ses échecs et grandes difficultés avec la guerre de succession d’Espagne au début du siècle. A la mort du roi, en 1715, la régence du duc d’Orléans amorce un renouveau qui s’exprime par une libération des mœurs, que Gaspard a sûrement regrettée, et des tentatives de réforme économique avec une exploitation rationnelle des colonies et un essai vite abandonné de monnaie-papier. Avec Louis XV, les guerres ont repris, mais loin du pays. Gaspard est mort peu avant le traité de Paris où la France abandonnait à l’Angleterre presque toutes ses colonies. Il a assisté à l’essor de l’esprit des « lumières » qui ne touchait qu’une minorité essentiellement urbaine, mais animait la nouveauté qu’était une opinion publique avide de pouvoir. Il était à la fois, grand seigneur à Toulouse et à Paris, mêlé aux intrigues du moment, et gérant avisé de son domaine gascon, purement rural, encore très stable autour de son château du Busca, à quelques kilomètres d’ici.

Est-il venu à Lagardère ? C’est probable, ne serait-ce que par souci de bonne gestion.

A-t-il participé à la fièvre financière de 1719-1720, avec les spéculations et l’expérience de la nouvelle monnaie de Law’s et la banqueroute de 1720 ? C’est peu probable, mais il est possible qu’un jeune Lagardérois, « monté » avec lui à Paris en 1715, à l’occasion de la naissance de sa fille, la future marquise de Livry, y ait joué son rôle, et manifesté, sous le surnom du « bossu », l’esprit d’entreprise et de générosité des Gascons.

Il est bien différent de ses voisins :

  • Pardaillan est passé par héritage aux Baudéan de Parabère. Le seigneur, gouverneur du Poitou, laisse en 1716 une jeune veuve Marie-Madeleine de la Vieuville, qui brille à Paris à la cour du Régent dont elle devient la maîtresse. Elle est connue comme « la Parabère », organise des fêtes, en particulier dans sa maison d’Asnières…
  • Le château de Herrebouc, à Saint-Jean Poutge est la résidence des seigneurs de Verduzan, titrés marquis de Miran, un hameau de la commune de Rozès. Jean-Jacques de Verduzan (1695-1760) est d’abord un homme d’armes au service du roi. Il est mousquetaire. Mais bientôt il se retire à Herrebouc et se consacre à l’amélioration de ses terres, à l’étude et à la poésie. Il est en relation avec tout un réseau d’intellectuels fortunés caractéristiques de l’époque des lumières, ouverts, soucieux d’améliorations économiques (comme les « Physiocrates » un peu plus tard ), cultivés et d’esprit voltairien. Son fils, moins brillant que lui, obtiendra de l’intendant d’Etigny la concession des eaux thermales du Castéra, et fera bâtir, à côté des nouveaux thermes un joli château XVIII°, maintenant disparu…Ni la Parabère, ni Verduzan, ne devaient être vus d’un bon œil par le marquis de Maniban, très austère, même s’il était aussi très cultivé.

château de Herrebouc

VIII – Marie-Christine de MANIBAN

Marie-Christine de Maniban, marquise de Livry, est le dernier seigneur de Lagardère, alors que le château est dans sa famille depuis 1630

Ses parents sont de grands seigneurs :

Le père, Gaspard de Maniban est premier président du parlement de Toulouse depuis 1721.

Gaspard est un homme droit et austère, qui a un grand prestige dans la région et à la cour. Il vient souvent à Paris, voir le roi, les ministres, et les magistrats du parlement de Paris.

Il est riche, propriétaires de nombreux domaines et châteaux en Gascogne. Sa fortune est estimée à un million de livres (10 à 15 millions d’euros) et les revenus de ses terres lui rapportent autour de 600 00 livres par an (700 00 Euros).

Il vit à Toulouse, même s’il va assez souvent à Paris, Il est d’abord dans le centre, près du siège du parlement, mais en 1748 il achète le château de Blagnac, dans la périphérie de Toulouse, qu’il fait restaurer luxueusement. Il passe les mois d’été au château du Busca-Maniban, proche de Lagardère.

La mère est Jeanne-Christine de Lamoignon, fille du premier président du parlement de Paris, issue d’une grande famille de magistrats parisiens. Son frère Guillaume, a été chancelier de France, son neveu, Chrétien de Lamoignon de Malesherbes sera ministre et secrétaire d’état. Il sera guillotiné en 1794 pour avoir été avocat officiel, du roi lors de son procès en 1793, mais a son boulevard à Paris.

Le couple a eu deux filles et les a mariées richement. L’aînée épouse un membre d’une branche bâtarde de la maison de Bourbon. Elle meurt en 1751 sans enfant. La seconde Marie-Christine et mariée en 1741 (la même année que le mariage de la future Marquise de Pompadour) à Paul Sanguin, marquis de Livry, colonel au régiment du Perche et premier maître d’hôtel du roi. Elle a 26 ans. Il en a 32. Elle apporte en dot 500 000 livres (6 millions d’Euros).

  • Marie Christine est née à Paris en 1715, année de la mort du roi Louis XIV et du début de la Régence du duc d’Orléans. Elle passe son enfance entre Toulouse, Busca-Maniban et Paris que sa mère préfère à Toulouse.

    Son mari, le marquis de Livry, est issu d’une vieille famille parisienne

    Le premier maillon des Sanguin de Livry est Simon Sanguin, riche bourgeois parisien, drapier de son état, établi rue Saint-Honoré, dans la Capitale du royaume. On estime qu’il était né vers 1430 mais on sait seulement qu’il fut acquéreur en 1489 d’une propriété de 17 arpents située à Livry-en-l’Aunoye, au lieu-dit  » les Closeaux « . Son fils Simon achète les seigneuries de Livry et Coubron en 1499. Les héritiers se succèdent alors de père en fils comme seigneurs de Livry. La proximité des Sanguin avec le pouvoir royal se développe au XVIème siècle. Le fils de Simon, Jacques, devient « capitaine des chasses pour le plaisir du roi en ses forêts de Livry et Bondy en 1632. Cette charge se transmet de père en fil

    Le marquis de Livry est un grand seigneur : ses fonctions consistent à superviser toute la maison du roi, non pas le château de Versailles, mais le quotidien : lever, repas, coucher, services administratifs correspondant. Il dirige un service de 660 personnes. raison de son statut, le marquis disposait d’un appartement très somptueux au premier étage de l’Aile du Midi (en comparaison, cette aile était habituellement occupée par les princes et les membres de la maison royale). Il est composé de six grandes pièces, de deux petits cabinets et de trois très petits cabinets (situés entre les escaliers), avec huit cheminées.

    Ils n’auront pas d’enfant.

    La marquise de Livry est une femme intelligente, cultivée, proche de la dauphine (future mère du futur Louis XVI) et de Madame de Pompadour, favorite effective du roi de 1745 à 1770, mais amie proche et écoutée du roi par la suite, jusqu’à sa mort en 1764. Elle est mentionnée dans les mémoires de l’époque :

    -[30 janvier 1747] Nous fûmes dix-huit serrés à table, à savoir, à commencer par ma droite, et de suite M. de Livry, Mme la marquise de Pompadour, le Roi, Mme la comtesse d’Estrades, la grande amie de Mme de Pompadour, le duc d’Ayen, la grande Mme de Brancas, le comte de Noailles, M. de la Suze, dit le Grand Maréchal, le comte de Coigny, la comtesse d’Egmont, M. de Croix, dit Pilo, le marquis de Renel, le duc de Fitz-James, le duc de Broglie, le prince de Turenne, M. de Crillon, M. de Voyer d’Argenson. Le maréchal de Saxe y était, mais il ne se mit pas à table, ne faisant que dîner, et il accrochait seulement des morceaux, étant extrêmement gourmand. … On fut deux heures à table, avec grande liberté, et sans aucun excès. Ensuite, le Roi passa dans le petit salon. Il y chauffa et versa lui-même son café, car personne ne paraissait là, et l’on se servait soi-même. Il fit une partie de Comète avec Mme de Pompadour, Coigny, Mme de Brancas et le comte de Noailles, petit jeu que le Roi aimait, mais Mme de Pompadour le haïssait et paraissait chercher à l’en éloigner. (duc de Croÿ-Solre)

    Du dimanche 26 [octobre 1749], Fontainebleau : Les quatre dames qui étoient venues de Choisy avec le Roi, qui étoient Mmes de Pompadour, d’Estrades, de Livry et de Sourches, soupèrent avec le Roi, et toutes les dames de la Dauphine qui étoient à Versailles, excepté Mme la duchesse de Rohan, à cause de sa santé. M. de Muy, le père, servit le Roi en l’absence de son fils. Il n’y avoit point d’officiers des gardes derrière le fauteuil du Roi, ni de premier gentilhomme de la chambre. Mme la Dauphine avoit été fort occupée de ce souper, et avoit voulu qu’on lui en apportât le menu afin d’ordonner elle-même les changements qu’elle croiroit convenir davantage au goût du Roi. » (duc de Luynes)

    Le marquis de Livry meurt en 1758. Son frère cadet, Hyppolite François Sanguin, né en 1715, sera co-seigneur de Livry après aîné Paul et deviendra marquis de Livry après le décès de son frère.

Marie-Christine devient veuve à 43 ans. Après 17 ans de mariage, et de séjour à la cour du roi, elle quitte Versailles, avec une pension royale de 12 000 livres (140 000 euros).

Elle loue pour sa vie durant l’hôtel de Bragelongne, 23 rue de l’Université, à Paris, dont il reste une magnifique façade XVIII°. Plus tard, en 1772, elle achète le château de Gerville, au sud-est de Paris, à Soisy sous Etiolles (aujourd’hui Soisy sur Seine) proche de Sénart et surtout d’Etiolles qui se trouve être la seigneurie du mari légitime de Madame de Pompadour. Elle se partage entre ses deux résidences, toutes aussi cossues, l’urbaine et la campagnarde

Elle revient en 1759 à Toulouse, aider son père, malade, qui mourra trois ans plus tard. Elle renoue alors avec la société toulousaine et se lie d’amitié, en particulier avec « la présidente Du Bourg » épouse d’un président du parlement.

A son retour à Paris, en 1763, elle reprend son alternance entre ses deux résidences et entreprend une correspondance très régulière (une fois par semaine) avec la présidente Du Bourg, qui s’échelonne sur trente ans. On a conservé 800 lettres de la marquise.

Pendant une trentaine d’années, de 1763 à 1792, la marquise de Livry entretint de Paris une correspondance suivie avec la présidente Dubourg qui résidait à Toulouse. Les missives des années 1765 et 1785 ont été sélectionnées pour cette étude à partir des centaines de lettres de la marquise conservées aux archives municipales de Toulouse. Se définissant elle-même comme  » nouvelliste et amie  » à l’égard de sa correspondante, la marquise de Livry ne cherche pas à s’épancher et à se raconter dans ses lettres à la présidente, destinées bien davantage à la diffusion des nouvelles. Au fil du temps, sa correspondance dessine pourtant son autoportrait, celui d’une épistolière ouverte sur le monde et insérée dans les réseaux d’échanges et de communication, d’une femme des Lumières tournée vers la culture de son temps. Avec la vieillesse, le discours sur soi teinté de stoïcisme, finit par prendre davantage de place, tandis que les nouvelles du monde sont désormais moins fournies

Elle se fait nouvelliste, rendant compte des évènements parisiens et des personnes, discutant de façon très libre avec sa correspondante. Elle est acquise aux Lumières, avec un certain recul, et un jugement acéré.

Un thème important de l’époque est l’activité du Dr Mesmer, médecin allemand et sa théorie du « magnétisme animal ».

« Tout homme peut guérir son prochain grâce à un fluide naturel dont le magnétiseur serait la source, et qu’il diffuserait grâce à des passes sur le corps ».

Il séjourne à Paris de 1778 à 1785 et obtient un succès considérable.

« Il n’y a qu’une maladie, qu’un remède, qu’une guérison ». « L’histoire de la médecine est une illusion : ce qui guérit, c’est le magnétisme animal des médecins qui s’en servent sans s’en apercevoir ».

Il propose une explication rationnelle, dégagée de toute référence religieuse. Mais il n’apporte aucune preuve à sa théorie. Il est un représentant typique du siècle des Lumières.

La présidente Du Bourg, à Toulouse est enthousiaste. Comme Montesquiou, Lafayette, Noailles. La marquise de Livry est très sceptique. Le roi Louis XVI crée une commission des plus grands savants de son temps, qui ne trouvent aucune preuve et concluent : « le magnétisme sans imagination ne produit rien ».

Mesmer quitte Paris, voyage en Europe, et meurt en 1815 en Suisse.

Était-ce seulement un médecin charlatan, ou, selon certains, un précurseur de l’hypnose et de la psychanalyse ?

Madame de Livry voit sa fortune diminuer. La succession de son père mort en 1762, est complexe, et ne lui laisse qu’une partie de ses biens. Il n’a pas de fils. Son grand-père Thomas avait stipulé que ses biens ne pourraient être légués qu’à un descendant mâle qui porterait son nom et serait membre du parlement. Il y aura donc substitution et l’héritage passe à son neveu Jean-Guy de Campistron qui prend le titre de marquis de Maniban. Après dix ans de tractations La marquise de Livry obtient environ un quart de la succession de son père.

En 1774, elle vend pour 20.000 Livres ses terres de Toujouse et de Montguilhem (à l’ouest du Gers actuel) au Marquis de Poyanne. Les années suivantes diverses métairies aux environs de Massencôme et de Mouchan (Gers). Le 18 mai 1780, elle vend la terre et seigneurie du Busca au comte Henri Bernard de Faudoas, capitaine de cavalerie, moyennant une rente viagère au capital de 90.000 Livres, qu’il n’arrivera pas à payer du fait de son émigration et la saisie de son patrimoine qui s’ensuivit.

Elle est retirée à Paris, rue de l’Université et à Soisy sous Etioles, l’été.

La révolution arrive mais elle n’émigre pas en 1789, mais ses revenus sont diminués de moitié. Elle est dans la gêne et est obligée de réduire son train de vie, mais se montre stoïque face à l’adversité.

Elle vend, progressivement ses domaines gascons : après le château de Busca-Maniban (1780), celui de Lagardère en 1791.

A partir de 1792, elle vit toute l’année au château de Gerville, à Soisy, qui a pris en 1793 le nom de « Soisy-Marat ». Son nom figure par erreur sur la liste des émigrés. Ses biens sont mis sous séquestre. Elle multiplie les démarches pour démontrer qu’elle est bien restée chez elle : Ce n’est qu’en 1801 qu’elle obtiendra satisfaction. Elle rédige son testament en 1796. Elle emploie alors douze personnes. En 1803 elle vend le domaine de Busca-Maniban au Docteur Rizon, ancêtres des actuels propriétaires. Elle meurt à Soisy le 20 octobre 1804, à 89 ans.

C’est sans doute pour payer ses dettes que la succession est vendue aux enchères.

 

Vente publique, mardi 11 thermidor an 13, 10 heures précises du matin et jours suivants de livres, linge, bijoux et autres effets dépendants de la succession de madame de Livry, en sa maison de Soisy sous Etiolles,

mardi 11 et jours suivants :

plus de 4000 vol. de livres de Morale, de Philosophie, d’histoire, de Science, de Littérature et autres, dont le catalogue se distribue chez M.Salbars, commissaire-priseur, rue Saint Avoye n°138….et à Soisy, maison de madame de Livry,

dimanche 16 : batterie et ustensiles de cuisine et d’office, en fer, cuivre jaune, cuivre rouge et cuivre argenté. Quelques meubles en velour d’Utrecht, tapisserie et damas, rideaux, couvertures, une jolie chaise à porteurs.

lundi 17 : jetons d’argent, boîtes en or, en laque, en écaille, en malachite ; un étui d’or et menus bijoux. 200 bouteilles et demi-bouteilles de vins de liqueur très vieux et de la meilleure qualité, comme malvoisie, Chypre, muscat, Tokai, Malaga et autres. 60 stères environ de bois neuf. Vaches et chèvres laitières, volailles.

Mardi 18 : vaisselle en porcelaine et terre de pipe. Hardes de femme en perse, mousseline et taffetas. Coiffures et manchettes en point et en valencienne, et autres dentelles.

Mercredi 19, jeudi 20 et jours suivants s’il y a lieu : une quantité considérable de draps de maître en toile très fine et presque neuve ; draps d’office et autres. Plus de 30 douzaines de serviettes et quantité de nappes en petite venise très belles, environ 30 douzaines de mouchoirs de batiste, et autres linges de corps, de lit, de table et de ménage.

Cette grande dame du XVIII° siècle est née 16 ans après le Bossu. Elle aurait eu le même âge qu’Aurore de Nevers.

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