Le comté d’Armagnac : A l’origine c’est le sud ouest du Gers autour de Nogaro, Aignan et Riscle. Il apparaît à l’époque carolingienne, mais correspond probablement à l’attribution d’un domaine à un Franc ou un Wisigoth nommé Hermann (Arminius, Armand). Il est ensuite attribué à un cadet des ducs de Gascogne, prénommé Bernard, et du Xème siècle au XIIIème, les comtes se sont appelés alternativement Bernard (Ours fort) et Géraud (Gérard : lance forte).
Au XI° siècle les comtes d’Armagnac ont hérité du Fezensac : pays de Vic et d’Auch.Vers 1250, Géraud V doit faire dix ans de guerre pour entrer en possession de son comté, après la mort de son cousin Bernard V. En 1270, il avait donné Lagardère à l’abbé Auger d’Andiran, de Condom, pour y construire un château où il pourrait mettre une garnison.
La période correspondant au règne de ses cinq successeurs (1285-1418) est déterminante pour les Armagnac, et montre des petits seigneurs locaux devenir de puissants comtes qui jouent un rôle croissant en Gascogne, dans les pays de Langue d’oc, mais aussi dans les « affaires » de France, jusqu’à Bernard VII, connétable, pourvu des pleins pouvoirs dans le royaume, en 1415…
En cette fin du XIIIème (qui est aussi celle de la fondation du château de Lagardère) de grands changements s’annoncent
C’est la fin d’un accroissement démographique continu depuis le IXème siècle : Il a conduit à l’amenuisement des héritages et des parcelles ; au défrichage de nouveaux champs (les artigues) ; à l’intensification des cultures, en particulier de la vigne. Les vins sont exportés par Bordeaux vers l’Angleterre et les Pays Bas.
C’est l’époque de l’efflorescence de nouvelles villes, les bastides, souvent installées dans des endroits stratégiques, créées autour d’un marché. Valence, toute proche, date de 1274, Fleurance un peu plus tard…
Mais les beaux jours sont passés. Le temps se met au froid pour un peu plus d’un siècle, avec du gel, de l’humidité qui faisant pourrir les semences et perdre des récoltes. Les famines, qui étaient devenues rares, vont réapparaître.
La population commence tout doucement à diminuer. Des épidémies de plus en plus meurtrières vont arriver, en particulier la peste Noire de 1348, puis un retour dramatique en 1362.
Le blé devient très cher. Les guerres suscitent des impôts nouveaux. La vie devient difficile, et beaucoup de terres et même de seigneuries vont être vendues à ceux qui s’enrichissent. Ce sont les magistrats, et l’équivalent des fonctionnaires de l’administration, mais surtout les marchands qui vont réussir à profiter de cette période très troublée.
L’organisation du comté se perfectionne. Un sénéchal d’Armagnac est créé, et vise à améliorer la justice et la protection des personnes mais aussi la collecte des impôts…
Les plus lourds sont les impôts indirects, taxes diverses, péages, droits divers à acquitter… Les routes sont peu sures, et le château joue son rôle de protection. Mais au-dessus du comte, il y a le duc qui vient parfois jusqu’à Condom, mais vit surtout en Angleterre, dont il est le roi. Et au sommet de la hiérarchie, il y a le roi de France, bien loin dans le nord, mais dont le sénéchal à Toulouse est très actif. Ses parlements à Toulouse et à Paris sont très redoutés.
A cette époque vont débuter deux conflits majeurs qui entraveront ou favoriseront, selon les circonstances, l’ascension des comtes d’Armagnac.
Ce sont deux guerres de cent ans :
- La guerre entre comtes d’Armagnac et comtes de Foix à partir du testament contesté du vicomte de Béarn, de 1290 à 1391
- La guerre entre rois de France et rois d’Angleterre, larvée depuis 1294, officielle depuis 1337, terminée en 1453.
I-Bernard VI (1285-1319)
Il a sans doute 21 ans à la mort de son père Géraud V, mais la majorité en Gascogne est de 25 ans. Il est donc sous la tutelle de son grand-père maternel Gaston de Béarn. Très rapidement il réunit dans l’église de Justian, à 6 km de Lagardère, la noblesse de Fezensac pour mettre par écrits leurs droits et devoirs, en janvier 1286.
1- La succession de Béarn
Il n’est comte que depuis 5 ans lorsque meurt son grand père Gaston posant le difficile problème de sa succession.
Celui-ci, petit vicomte de Béarn, c’est-à-dire souverain à Pau et à Oloron, avait hérité de terres importantes du chef de sa femme : la moitié Est du département des Landes (Aire, Mont de Marsan, Gavarret) et le pays de Bruilhois (banlieue sud est d’Agen autour de Layrac). Il a quatre filles : Constance, qui malgré deux mariages, n’a pas d’enfant, Guillemette, non plus, et surtout Marguerite épouse du comte de Foix, et Mathe (Marthe) épouse du comte d’Armagnac, et mère de Bernard VI.
Les deux sœurs concurrentes deviennent ennemies et s’opposent par fils interposés. Gaston a laissé le Béarn à Marguerite l’aînée, Constance a hérité du Marsan et du Gabardan, qu’elle cède à Marguerite, Mathe ne reçoit que le Bruilhois, Guillemette le pays de Rivière basse (Maubourguet), qu’elle cède à Mathe. Personne n’est satisfait. Mathe réclame le Gabardan et a déjà mis la main sur Eauze qui lui était rattaché, Marguerite veut tout prendre et en particulier Maubourguet.
En 1303 c’est la guerre, c’est-à-dire quelques expéditions de pillage. Le roi de France Philippe le bel qui a déjà saisi le comté de Bigorre, à la faveur d’une autre succession difficile, vient à Toulouse avec sa femme Jeanne reine de Navarre, et impose son arbitrage, mais la guerre reprend en 1307. En 1309 le parlement de Paris condamne l’agresseur, le comte de Foix qui reste quelque temps emprisonné. Mais l’affaire n’est pas close, et va continuer malgré la mort rapprochée de Marguerite, de Mathe et de Bernard VI en 1319.
2 – La rivalité France-Angleterre
Parallèlement le conflit France-Angleterre reprend en 1292, à l’occasion de bagarres entre pêcheurs bayonnais et Rochelais. Alors qu’Edouard II, d’Angleterre, roi faible, est empêtré dans la guerre d’Ecosse, Philippe le Bel confisque le duché d’Aquitaine, et la guerre se déroule dans la basse vallée de la Garonne, jusqu’à une trêve en 1297 et la restitution du duché au roi-duc.
Pour le roi de France les sénéchaux de Toulouse : Beaumarchais, Marciac Trie, continuent leur implantation en Gascogne en fondant des bastides qui vont porter leurs noms, après négociations avec des abbayes ou des seigneurs mineurs.
Bernard VI comme la plupart des seigneurs de son rang dans le royaume de France, accompagne le roi dans ses guerres, en particulier en Flandre, puis en Italie où il accompagne le frère du roi Charles de Valois.
3 – Le pape et l’évêché de Condom
Mais la grande affaire internationale est l’élection d’un pape gascon : Clément V, évêque de Comminges, puis archevêque de Bordeaux, dont le successeur va s’installer en Avignon, délaissant Rome aux prises avec des troubles populaires. Clément V va remodeler la carte des diocèses dans la sud-ouest. C’est ainsi que le 13 août 1317 qu’est créé l’évêché de Condom, démembré de celui d’Agen. C’est l’abbé, propriétaire du château de Lagardère qui en devient le premier évêque (Raymond de Galard).
4 – Les mariages politiques
Bernard VI a épousé d’abord Isabelle d’Albret, sa cousine.
Veuf, il se remarie en 1298 avec Cécile, fille du comte Henri de Rodez, qui hérite de son père en 1303, et lègue ce comté de Rodez à son mari, à sa mort en 1313.
Bernard VI triple alors l’étendue de ses domaines et devient un grand seigneur du sud ouest.
Il organise en 1311 le mariage de son fils Jean avec Régine de Goth, nièce du pape Clément, et héritière des vicomtés de Lomagne et d’Auvillar (région de Lectoure).
II – Jean I (1319-1373)
Jean I dit le Bon est un des plus grands comtes d’Armagnac.
Il succède à son père Bernard en 1319. Il entre dans sa quatorzième année. Il est alors sous la tutelle de son oncle Roger, évêque de Lavaur. C’est le plus sympathique des comtes d’Armagnac. Il va régner 54 ans, jouer un rôle important localement et dans le conflit franco-anglais. Jean le Bon, roi de France, qui l’apprécie beaucoup en fera un de ses conseillers et gouverneur du Languedoc. Deux mariages sont des signes et des facteurs de ce rôle : en 1327, lorsque veuf de Régine de Goth, il épouse Béatrix de Clermont dont le père est un petit fils de Saint Louis, et en 1359, le mariage de sa fille Jeanne avec le duc de Berry, frère du roi de France Charles V.
1 – Rivalité France Angleterre
Mais auparavant, la situation particulière qui fait du roi d’Angleterre un vassal du roi de France pour son fief gascon, suscite à nouveau la guerre.
A l’occasion d’un conflit mineur en 1324, à Saint-Sardos, entre le sire de Montpezat, sujet du faible roi-duc Edouard II et l’administration du roi de France, le roi Charles IV confisque le duché d’Aquitaine. Après quelques coups de mains la paix revient et la situation antérieure est rétablie, le château de Montpezat est détruit.
Quatre ans après en 1328, le roi de France meurt sans héritier direct. C’est son cousin Philippe VI de Valois qui lui succède, sans contestation de quiconque, et le nouveau roi d’Angleterre, Edouard III vient à Amiens lui rendre hommage pour ses terres de France.
Mais l’opposition réapparaît dès 1337, quand Edouard s’adresse à celui « qui se prétend roi de France », et revendique ce trône pour lui du chef de sa mère, sœur du dernier roi. Il y a quelques opérations militaires en Agenais, mais surtout en Flandre, où guerroient les comtes de Foix et d’Armagnac, cousins ennemis par ailleurs, avec la perte de la flotte française à l’Ecluse.
En 1344 le comte de Lancastre (Derby) débarque à Bayonne et ravage le Périgord, l’Agenais et la région de l’Isle Jourdain (raid préfigurant celui du prince noir). Le comte Jean d’Armagnac, nommé lieutenant du roi pour les pays de Languedoc, basé à Agen, reprend une à une les villes prises. Mais le roi Edouard débarque en Normandie et est vainqueur du roi de France à Crécy, en Artois, en 1346. Il assiège et prend ensuite Calais en 1347 avant de rentrer en Angleterre.
Les opérations militaires sont relativement modestes, mais favorisent les bandes de brigands. Les mercenaires, lors des trêves, vivent sur le pays à force de razzias et d’enlèvements pour rançons. Le mauvais temps s’ajoute pour appauvrir les campagnes, favoriser les famines, donc les épidémies dont la Peste Noire de 1348. Celle-ci n’influe guère sur les opérations militaires mais décime les populations civiles, puisqu’on estime globalement que près de la moitié de la population a disparu de son fait.
En 1355, le fils aîné du roi Edouard, le Prince Noir, débarque à Bordeaux et lance un raid dévastateur qui restera dans les mémoires un symbole des pires calamités à travers le sud du département actuel du Gers, jusqu’à Carcassonne et Narbonne. Le comte d’Armagnac a réussi à protéger Toulouse, mais n’a pu que le suivre de loin.
Le Prince Noir revient l’année suivante et gagne la bataille de Poitiers en 1356, où le roi Jean le Bon qui a succédé à son père Philippe VI en 1350, et de nombreux grands seigneurs sont faits prisonniers et doivent payer rançon.
Le dauphin Charles, nommé régent pendant la captivité de son père, a de très grosses difficultés à Paris avec les manœuvres de Charles le Mauvais, roi de Navarre, et sa collusion avec Etienne Marcel et les grands bourgeois parisiens (1356-1358). Après de très difficiles tractations, le traité de Brétigny en 1360 semble mettre fin à la guerre : Edouard d’Angleterre reçoit en toute indépendance, sans hommage à rendre, un quart sud ouest de la France des Pyrénées au Poitou, avec, au cœur : la Gascogne.
2 – La rivalité Foix Armagnac, lors des trêves, et de la paix franco-anglaise
Le conflit Foix-Armagnac, resurgit dès que le service du roi de France n’impose pas aux deux comtes de combattre ensemble.
Cela avait recommencé avant les grandes hostilités et un compromis avait été imposé aux deux protagonistes en 1329 : Foix gardait le Béarn, le Marsan et le Gabardan, Armagnac l’Eauzan avec Eauze et Manciet, le Bruilhois et la Rivière basse.
Quand Jean d’Armagnac était lieutenant général du roi, Gaston, comte de Foix depuis 1343 qui se faisait appelé Fébus (c’est à dire roi-soleil) parce qu’il était roux, était jaloux et a plusieurs fois razzié les terres de son cousin.
En 1362, peu après le traité de Brétigny qui a été un bouleversement en Gascogne, il vainc son concurrent à Launac, près de Toulouse, le fait prisonnier, et demande une rançon jugée considérable à l’époque de 300 000 florins. Le comte d’Armagnac demanda à ses villes de lui fournir l’argent manquant. Ce n’est qu’en 1365, qu’il put rassembler la somme et fut enfin libéré sans modification territoriale. Mais la guerre Foix-Armagnac n’est pas encore finie…
3 – Nouvel aspect de la rivalité franco-anglaise
Le traité de Brétigny a fait de l’Aquitaine une principauté indépendante pour le prince Noir, et impose aux seigneurs gascons de rendre hommage au vainqueur.
Cela est très mal vécu par ceux qui avaient toujours combattu le vainqueur, et en particulier le comte d’Armagnac. Il est le dernier à rendre et hommage, mais il doit suivre le Prince Noir dans la guerre d’Espagne qui oppose le roi de Castille Pierre le Cruel et son demi frère Henri de Trastamare. Les Anglo-gascons reviennent vainqueurs, mais pour payer les troupes le Prince noir impose à toute la Gascogne des impôts très lourds à une population épuisée par les famines les pillages et les maladies.
Un vent de fronde souffle, on est en mai 68 (1368), et après mures réflexions le comte d’Armagnac prend la tête des protestataires, refuse l’impôt et en appelle solennellement au roi de France Charles V qui a succédé à son père Jean le Bon en 1364. Charles V hésite longtemps, puis cite le Prince Noir à comparaître à Paris. Il en a le droit du fait que les renonciations prévues par le traité de Brétigny, (celle du roi de France pour la suzeraineté de l’Aquitaine, et celle du roi d’Angleterre) dans sa prétention au royaume de France n’ont pas encore été faites : le roi de France peut encore agir en tant que suzerain.
Le prince Noir malade rentre en Angleterre en 1371, remplacé par le duc de Lancastre. La guerre reprend avec Du Guesclin et le comte d’Armagnac, qui meurt en 1373 à 67 ans.
III-Jean II (1373-1384)
Jean II le Gras est déjà un homme de guerre expérimenté, sous le nom de comte de Charolais (hérité de sa mère), il a secondé son père en Languedoc et le duc de Berry, frère du roi est son propre beau-frère.
Son court règne va être marqué par les deux grands conflits en cours.
1 – Rivalité France Angleterre
Il poursuit la reconquête des terres cédées à Brétigny avec Du Guesclin. Il continue les combats de son père avec succès. La situation est certes facilitée par la maladie et le retour en Angleterre du Prince Noir en 1371, remplacé par son frère le duc de Lancastre. Agen, Condom, Fleurance ouvrent leurs portes aux armées du roi de France. Pourtant la situation n’est pas sûre, puisque un commando venu de la garnison anglaise de Lourdes, prend et pille Valence et sa région en fin 1377. Le château de Lagardère a-t-il été touché ?
Le roi Edouard III meurt en août 1376, deux mois après son fils aîné. C’est donc son petit fils, Richard II, âgé de 10 ans qui devient roi d’Angleterre sous la tutelle de son oncle Jean de Lancastre. Cette minorité est difficile avec de violents troubles en Angleterre (révolte des paysans, puis des nobles).
En France, les dispositions du traité de Brétigny sont complètement effacées à la mort de Du Guesclin, suivie de peu de celle de Charles V en septembre 1380.
2 – Rivalité Foix Armagnac
On espère la fin de l’interminable rivalité Foix Armagnac. Mais Fébus, malgré la trêve signée en avril 1373 avec Jean I, reprend ses raids sur l’Armagnac à partir d’Aire sur l’Adour. En 1374, il négocie avec le duc de Lancastre, puis renouvelle la trêve avec le comte Jean II.
C’est alors que meurt le dernier comte de Comminges Pierre-Raymond II. Il laisse comme héritière sa fille Marguerite, encore enfant. Fébus, lointain cousin revendique l’héritage, et en 1376 attaque la vallée de la Garonne autour de Saint Julien et Montesquieu-Volvestre. Jean d’Armagnac défend la jeune comtesse avec le soutien du duc d’Anjou, gouverneur du Languedoc, et bat les troupes du comte de Foix. Il s’empare de Cazères sur l’Adour, près d’Aire, foyer d’incursions ennemies, où Fébus vient l’assiéger. Le comte d’Armagnac lui échappe.
Le duc d’Anjou impose alors une trêve et l’on convient de négocier une paix définitive à Tarbes. Les négociations durent deux ans. Entre temps, Marguerite de Comminges a épousé Jean fils aîné du comte d’Armagnac (18 juin 1378).
Le traité est signé et les deux comtes se rencontrent entre Aire et Barcelonne du Gers, le 3 avril 1379. L’accord consacre le statu quo territorial et décide le mariage de deux enfants des protagonistes : Gaston, fils unique de Fébus, épouse à Manciet le 19 avril 1379 Béatrix fille de Jean II d’Armagnac, dite la « belle Armagnacaise ». Ce sont des enfants, et le mariage ne sera jamais consommé puisque l’année suivante Fébus, qui a déjà chassé sa femme Agnès de Navarre, met son fils en prison en l’accusant de vouloir l’empoisonner, et dans un accès de colère le tue dans sa prison (1380)…
3 – Intrigues parisiennes
Avec la mort de Charles V en 1380, l’entourage du nouveau roi, Charles VI, règle ses comptes. Les intrigues parisiennes fleurissent, avec en arrière fond un conflit entre deux oncles de Charles VI, le duc de Berry, et le duc de Bourgogne.
Jean II d’Armagnac, proche parent de Berry est accusé de collusion avec les Anglais et doit s’expliquer à Paris.
C’est en y allant qu’il meurt en Avignon en 1384. La procédure est bien sûr arrêtée.
IV-Jean III (1384-1391)
C’est lui aussi un homme de guerre, toujours par monts et par vaux, comme les grands seigneurs de l’époque. Il est déjà comte de Comminges à la mort de son père, du chef de sa femme, et devient alors entre autres comte d’Armagnac et de Rodez.
1 – France Angleterre
Le duc de Berry, lui confie la direction de son gouvernement en Languedoc. Les armées anglaises sont peu actives, et une nouvelle trêve est prévue pour 35 ans, mais n’empêche pas des coups de main comme ceux effectuées encore par la garnison de Lourdes sur Plaisance, détruite, et par celle de Mézin, qui détruit Mouchan.
Les principaux troubles sont dus aux mercenaires en mal d’enrôlement qui vivent sur le pays comme des bandes de brigands redoutées, surtout en Languedoc et en Auvergne, mais aussi en Gascogne, puisqu’un chef routier, Pardailhan (sans doute bâtard ou cadet de la famille proche du château de Lagardère) vient rançonner Pavie, et que Vic et Condom, entre autres doivent réparer leurs églises fortement abîmées.
2 – Rivalité Foix Armagnac
Le Languedoc est épuisé par ces troupes par les impôts qui se répètent en raison de la guerre. Avec démagogie, Fébus attise le mécontentement des bourgeois et tente de monter les villes contre le duc de Berry et le comte d’Armagnac. Il fomente quelques émeutes près de Revel, puis se soumet.
Charles VI, jeune roi plein de bonne volonté vient à Toulouse voir la situation. En novembre 1389. Fébus, qui n’a plus d’héritier direct, tente de négocier avec lui pour empêcher que sa propre succession n’aille à son cousin germain Matthieu : il préfère léguer l’ensemble au roi de France. Il meurt en 1391. Son héritage, après de multiples procès revient quand même à son cousin : Matthieu de Castelbon.
3 – Chef de guerre, Jean III entraîne les routiers loin de Gascogne
Il commence par l’échec d’une expédition en Roussillon, en 1389, où il voulait défendre ses droits à la succession du roi de Majorque.
Puis Jean III tente de libérer le Languedoc des bandes de mercenaires pillards. Sa sœur Béatrix, la « belle Armagnacaise », jeune veuve du fils de Fébus a épousé en 1382 Carlo Visconti, seigneur de Parme en Italie. Mais l’oncle de celui-ci, Jean Galéas, seigneur de Milan attaque Parme. Béatrix vient demander l’aide de son frère. Jean III. Malgré de nouvelles manœuvres de Fébus, il obtient des subsides pour payer les principales troupes de routiers, passe les Alpes avec elles, et tente de secourir son beau–frère, Il met le siège devant Alexandrie, près de Pavie, mais est tué en 1391. Les mercenaires restent en Italie.
Il n’aura régné que 7 ans. Il laisse deux filles, mais conformément au testament de son père, c’est son frère Bernard qui lui succède.
V-Bernard VII (1391-1418)
C’est le plus prestigieux des comtes d’Armagnac, qui dans cette période extrêmement difficile de l’histoire de France, a tenté de redresser la barre. C’est lui aussi un guerrier, qui a fait ses preuves avec son père et son frère aîné, en Espagne et en France. Intelligent, actif, ambitieux, cruel et brutal il va porter à son maximum la puissance des Armagnac.
1 – Puissance de la maison d’Armagnac
Il a 21 ans à la mort de son frère. Il en recueille l’héritage sans difficulté, en 1391, et vend son comté de Charolais au duc de Bourgogne. Il reste proche du pouvoir parisien et renforce encore ces liens en épousant en 1393 sa cousine germaine, Bonne, fille du duc de Berry, l’oncle du roi, entrant ainsi dans la famille royale. En 1395 il recueille l’héritage de Géraud de Labarthe : les Quatre vallées, complétant ainsi la route qui longe le Gers d’Agen aux Pyrénées et à l’Espagne, avec le Magnoac, les vallées d’Aure, de Barousse et de Nestes, moitié orientale des Hautes Pyrénées actuelles.
C’est le plus grand des grands seigneurs du Sud, avec des territoires regroupés en trois blocs :
- d’abord, la moitié orientale de la Gascogne avec Armagnac, Fezensac, Eauzan, Rivière–basse (Maubourguet), Bruilhois, Lomagne, Quatre vallées, Comminges, qu’il contrôle au nom de la veuve de son frère,
- Ensuite le comté de Rodez, c’est à dire la majeure partie de l’Aveyron, avec ses annexes, une partie de la Lozère et du Cantal (Murat et Carlat),
- enfin le sud du Quercy avec la basse vallée du Tarn autour de Caussade.
Mais son avidité n’a pas de limite, en 1403, sous prétexte de défendre sa belle sœur de Comminges, il attaque son cousin Géraud d’Armagnac, comte de Pardiac et de Fezensaguet, le fait mettre en prison ainsi que ses deux fils, et les laisse mourir dans des conditions troubles. Il en recueille ainsi l’héritage…
La maison de Foix s’éteint : Matthieu de Castelbon recueille avec difficultés l’héritage de son cousin Fébus, à la condition d’une plus grande dépendance vis à vis du roi de France, et meurt en 1398 sans enfant. Après de nouvelles difficultés, c’est la sœur de Matthieu et son mari Archambaud de Grailly, sénéchal de Guyenne pour le roi d’Angleterre, d’origine savoyarde, qui héritent du comté de Foix et de la vicomté de Béarn, à condition de rester fidèles sujets du roi de France. La guerre Armagnac-Foix est bien terminée.
2 – Intrigues parisiennes
A Paris, après un début de règne prometteur, Charles VI commence à avoir des crises de folie à partir de 1392, et son oncle Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, assure la régence de fait, sans contestation jusqu’à sa mort en 1404.
L’Angleterre n’est plus une menace, Le roi Richard II, en pleines difficultés à Londres, a signé une trêve de 26 ans en 1395 et épousé en 1396 Isabelle de France, sœur du roi. D’ailleurs « Richard de Bordeaux » est accusé par les Anglais d’être plutôt francophile… En 1399, il est détrôné, emprisonné, par son cousin de Lancastre qui prend le nom d’Henri IV, et assassiné un an après. Henri IV reprend la guerre en Guyenne, mais Bernard VII est victorieux contre lui.
A la mort du régent Philippe le Hardi, deux prétendants s’opposent pour reprendre la régence : le fils du Hardi Jean sans peur, nouveau duc de Bourgogne, et le propre frère du roi Charles VI, Louis duc d’Orléans. En 1407, Jean sans peur fait assassiner Louis d’Orléans rue Barbette à Paris. Deux partis, bien armés s’affrontent alors dans une guerre civile : Les Bourguignons de Jean sans peur, et Charles d’Orléans, fils du duc assassiné, qui en 1407 épouse Bonne fille du comte d’Armagnac. C’est Bernard VII qui anime, organise, dirige le parti Orléans qui va très vite être appelé parti des « Armagnacs ».
VI-Conclusion
1 – Au début du XV° siècle, on peut croire que le pire est passé
- la « presque paix » qui dure entre France et Angleterre depuis 1380 a permis un début de reconstruction.
- Les grandes épidémies ont disparu.
- La fin de la maison de Foix a terminé l’interminable conflit intra gascon entre Foix et Armagnac.
La maison d’Armagnac n’a jamais été aussi forte. C’est la plus grande puissance du sud ouest, et le comte est en passe de devenir l’homme le plus puissant de France, bientôt muni de tous les pouvoirs à Paris.
2 – Mais les guerres ne sont pas finies
- bientôt le roi d’Angleterre va entrer dans Paris avec l’aide des Parisiens et des Bourguignons.
- Le sursaut donné par Jeanne d’Arc est alimenté par de nombreux compagnons gascons, à tel point qu’on va l’appeler « l’Armagnacaise ».
3 – Il faudra moins d’un siècle pour que tout s’effondre
La chute de la maison d’Armagnac a les couleurs d’un feuilleton grandiose ou sordide, avec de multiples rebondissements. Il faudra attendre leur lointain descendant, Henri IV pour que les Gascons retrouvent un rôle majeur à l’échelon local et national.
Mais ceci est une autre histoire, ou du moins une autre partie de l’Histoire…
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