L’histoire du château de Lagardère

Entre Osse et Baïse, entre Condom et Vic Fezensac, tout près des châteaux de Mansencôme, du Busca, de Bezolles, de Pardaillan, de Miran, le château de Lagardère semble toujours protéger l’antique église et son petit cimetière, comme une figure de proue au devant du village.

La fondation

En janvier 1270, le comte d’Armagnac Géraud V donne à Auger d’Andiran, abbé de Condom et à ses religieux « tout le territoire qu’il possède au lieu dit de La Gardère, dans la paroisse de Saint-Laurent et Saint-Martin dudit lieu, en Fezensac, pour y construire un ouvrage fortifié, forteresse ou même bastide ». Le comte se réserve le droit, pour lui et ses successeurs, de faire occuper l’ouvrage fortifié à construire par ses hommes lorsque les circonstances le justifieront, et d’exiger, chaque année, un cens modeste. (voir Géraud V, sujet d’histoire)

Ainsi, le comte a choisi un site bien exposé de son territoire, un point haut, offrant des vues dégagées, propice à la construction d’une maison forte, et en cède la possession à un seigneur ecclésiastique en l’invitant à prendre en charge la fondation de cet ouvrage à vocation essentiellement défensive, sans doute dans le but faire de cette fondation un possible point d’appui stratégique de sa propre politique.

Le comte et l’abbé

Cette fin du XIII° siècle associée à une vague de progression démographique, marque le début de l’ère des fondations de villes nouvelles ou bastides, fortement encouragées par les pouvoirs centraux (comte, roi de France, duc d’Aquitaine-roi d’Angleterre).

 

Cette région est une zone charnière entre les deux pôles traditionnellement antagonistes de Bordeaux et de Toulouse : le roi-duc à Bordeaux avec son sénéchal de Gascogne, le roi de France avec ses sénéchaux à Toulouse.
C’est aussi l’extrémité nord des domaines du comte d’Armagnac, dont la possession ne lui est pleinement reconnue que depuis peu, après une guerre de succession de dix ans.

C’est le lieu de rencontre de trois pouvoirs, alliés ou opposés :

  • pouvoir laïc du comte, centré sur Vic Fezensac et Auch, aux prises avec ses barons à qui il a promis une charte reconnaissant leurs droits. Après bien des tergiversations il la leur accordera en 1286 à Justian, où il a un château, à 4km de Lagardère,
  • pouvoir ecclésiatique de l’abbé de Condom qui a des terres et des châteaux (Larresingle, Cassaigne) et une autorité morale considérable dans la région,
  • pouvoir communal qui s’affirme de plus en plus revendicateur vis à vis de l’abbé, son protecteur traditionnel qui veut nommer lui même les consuls (maires), et vis à vis du comte dont il a détruit des châteaux au cours de la guerre récente de succession d’Armagnac

C’est une maison forte et résidentielle, de type « château gascon » de la période 1270-1330, avec un logis ou ostal de volume simple quadrangulaire en plan, sans cour intérieure, accosté à deux tourelles de plan carré, en saillie hors–oeuvre. C’est un bâtiment directement exposé aux agressions possibles, intégrant des organes de défense active : archères. Il devait être entouré d’une enceinte extérieure basse : murs abritant des bâtiments annexes protégeant la porte d’entrée ouest, et enserrant le terrain en légère pente vers l’église. La partie sud du bâtiment correspondait à une grande tour intégrée, surplombant le reste du château d’un étage en quatrième niveau…

Architecture

Les deux premiers niveaux constituaient des espaces de stockage (le premier : cellier ou cave vinaire, le second, pour les grains) utilisés aussi comme espace de refuge collectif. Le niveau 2 est aussi l’espace privilégié pour la défense active. Le niveau 3 constitue l’étage noble, espace de vie et de réception, avec la « salle » au nord et la chambre au sud, avec des fenêtres géminées, comme celles qu’on voit encore à Mensancôme, des latrines au niveau de la chambre et dans la salle au contact des tourelles, une grande cheminée.

La grande tour et les deux tourelles avaient très vraisemblablement un couronnement crénelé couvert d’un toit, surplombant avantageusement le toit de la salle, et concentrant l’appareil militaire des parties hautes.

les châteaux de la frontière entre Armagnac et Condomois

L’ensemble correspond à un poste de défense dans le réseau de petites forteresses de la zone instable entre Agen et Auch, entre les châteaux du comte (Vic, Justian), de l’abbé-évêque (Larresingle, Cassaigne, Lagardère), des nobles (Marambat, Pardeillan, Bezolles, Miran, Gondrin), et bientôt les bastides protégées par le comte (Valence), le roi d’Angleterre (Montréal), le roi de France (Fleurance).

Le Moyen Age

La région va être le théâtre de péripéties complexes où se mêlent trois séries d’évènements:

  • les épisodes de la guerre de cent ans entre le roi de France, et le duc de Guyenne-roi d’Angleterre qui veut affirmer l’indépendance de son duché, puis cherchera à devenir aussi lui-même roi de France ;
  • les luttes locales entre grands seigneurs gascons ;
  • d’autres fléaux plus ou moins naturels.

Les grandes opérations militaires de la guerre de cent ans se déroulent plus au nord. Les trois victoires majeure du roi-duc sont Crécy (près d’Amiens) en 1346, Poitiers (dans l’ouest) en 1356 et Azincourt (près d’Arras) en 1415. Elles permettent de diviser la durée de la guerre en deux périodes.

La guerre de cent ans

a) La première période

Elle dure quarante ans (1340-1380) commence par des attaques du roi-duc dans l’Agenais (Mézin, Aiguillon) et les Landes, puis sa victoire à Crécy. Le comte d’Armagnac Jean I est chargé par le roi de France de la défense des pays de langue d’oc. Mais en 1355, le prince de Galles, dit « le Prince Noir », (voir Prince Noir, sujet d’histoire) nommé duc d’Aquitaine par son père, effectue un raid foudroyant qui part de Bazas, croise l’Armagnac d’ouest en est: de Plaisance à Samatan, un peu au sud de la région de Lagardère, massacrant incendiant villes et châteaux, avec un butin considérable, semant l’épouvante parmi la population. Il recommence l’année suivante plus au nord jusqu’à Poitiers où le roi de France est fait prisonnier.
En 1360, le traité de Brétigny détache de la France une grande principauté d’Aquitaine au profit du roi d’Angleterre à qui les seigneurs gascons sont obligés de se soumettre. Mais progressivement après la mort du Prince Noir et pendant de la minorité du nouveau roi d’Angleterre Richard II, le comte d’Armagnac et Du Guesclin reprennent fragment par fragment les territoires perdus : à la mort du roi de France Charles V en 1380, le roi-duc ne possède plus qu’une bande de territoires allant de Bordeaux à Bayonne.

b) La deuxième période

Elle accompagne la folie du roi Charles VI. Après une phase relativement tranquille de vingt cinq ans, la guerre se déroule surtout dans le nord pendant près de quarante ans. L’origine en est le conflit entre les deux prétendants au gouvernement : le duc d’Orléans et le duc de Bourgogne. Il dégénère en guerre civile après l’assassinat du premier par le deuxième en 1407, entre les Armagnacs (le duc d’Orléans est gendre du comte d’Armagnac) et les Bourguignons. Les Anglais en profitent pour attaquer et sont vainqueurs à Azincourt en 1415. Le comte d’Armagnac et nommé connétable (chef général des armées) et exerce une dictature brutale en particulier à Paris où il est assassiné en 1418. En 1420 le traité de Troyes fait du roi d’Angleterre le gendre, le régent et l’héritier du roi de France Charles VI, le roi fou. Les pays au sud de la Loire (sauf Bordeaux, Bayonne et quelques bases anglaises) restent fidèles au dauphin fils de Charles VI et futur Charles VII. En 1429, Jeanne d’Arc appelée « l’Armagnacaise » car la plupart de ses compagnons d’armes sont gascons, réveille l’énergie du dauphin qui ne viendra terminer sa reconquête en Gascogne que de 1442 à 1453. La bataille de Castillon achève la guerre de cent ans.

Les grands seigneurs gascons

Cette période est plus directement vécue, dans la région comme celle de la lutte quasi séculaire entre les maisons de Foix et d’Armagnac, de 1290 à 1373. La maison de Foix a acquis par héritage, le Béarn, la partie orientale des Landes actuelles et la région de Saint-Gaudens. La maison d’Armagnac domine la plus grande partie du Gers actuel, la rive sud de la Garonne à l’est d’Agen, la partie est des Hautes Pyrénées, et de vastes terres en Rouergue (Aveyron). Les deux maisons veulent la suprématie en Gascogne et se disputent divers territoires, en particulier le Comminges.

armes de Jean I d’Armagnac

armes de Gaston Fébus

Jean I d’Armagnac domine la situation dans la première moitié du XIV° siècle. Il joue à fond la carte du roi de France dont il est le chef des armées dans le sud ouest. Gaston-Phébus comte de Foix, l’attaque avec des bandes de routiers, et le fait prisonnier en 1362, en exigeant une rançon exorbitante. Une ligue de seigneurs gascons impose la paix scellée par le mariage de la fille du comte d’Armagnac : Béatrix « la gaie Armagnacaise », 10 ans, avec Gaston, le fils unique du comte de Foix, 12 ans. Mais quelques mois plus tard, Gaston Phébus étrangle son fils qu’il accuse de vouloir l’empoisonner. Il ne joue plus ensuite de rôle important dans la région.

Une troisième famille, celle des Albret, venue d’un village des Landes (Labrit), va finalement hériter des deux maisons rivales de Foix et d’Armagnac et réunir presque toutes les terres gasconnes, elle va aussi hériter de la couronne de Navarre. Jeanne d’Albret, par ailleurs cousine germaine du roi de France Henri II, va transmettre l’ensemble à son fils Henri de Navarre, futur Henri IV.

Autres fléaux

a) Les catastrophes naturelles

L’alternance d’années de sécheresses, d’inondations et de grands froids aboutit à des famines au début du XIV°, qui préparent la progression meurtrière de la grande Peste. Celle-ci arrive par les bateaux à Gênes en 1348 et s’étend dans le sud de la France, l’Aragon, la Gascogne. Bayonne et Tarbes perdent la moitié de leurs habitants, d’autres villes, les trois quarts. Une autre vague survient en 1361-1362. D’autres suivront jusqu’à la fin du siècle, faisant disparaître des villages entiers qui se repeupleront au cours du siècle suivant.

b) Les routiers

Ils constituent une autre catastrophe. Il s’agit de bandes de mercenaires, se vendant au plus offrant, et vivant sur le pays comme une armée d’occupation. On en trouve deux vagues dans la région :

  • vers la fin du XIV° siècle (1368-1391) Bertrand de Pardeilhan et ses bandes ravagent l’abbaye de Flaran, l’hôpital de Vic, la cathédrale de Condom, Mouchan. Le comte d’Armagnac parvient à les conduire se battre en Italie.
  • vers le milieu du XV° siècle (1438-1439) Rodrigue de Villandrando est basé dans la zone comprise entre Vic et Condom. Il lutte avec les français contre les troupes anglaises basées à Mézin. Du Guesclin parvient à les faire partir en Espagne.

Une maison forte comme celle de Lagardère a dû jouer de façon efficace son rôle de défense locale et de refuge. Elle dépend toujours de l’évêque de Condom, qui en est seigneur et doit en rendre hommage à son suzerain. Faute de l’avoir fait au comte d’Armagnac, le château et ses dépendances sont saisis, et ne seront restitués que le 14 mai 1521, lorsque l’hommage correspondant aura été rendu.

La Renaissance et les Guerres de Religion

Au quinzième siècle, le cadre politique est plus simple : la puissance du roi de France est incontestée, celle du roi d’Angleterre n’est plus qu’un souvenir nostalgique pour Bordeaux. Il n’y a qu’une grande puissance seigneuriale, celle des Albret, rois de Navarre, comtes d’Armagnac entre autres, lieutenants du roi pour l’ensemble de la Guyenne, résidant le plus souvent à Nérac.

La réforme

De grandes transformations de la société interviennent, avec essor économique, les grands découvertes au delà des mers, augmentation de l’autonomie individuelle, élévation du niveau de connaissances avec l’imprimerie et le développement des élites bourgeoises. Le moine Luther, en Allemagne, proclame une réforme religieuse qui va secouer les pays germaniques, opposant l’Allemagne du Nord, protestante, à l’Allemagne du Sud, catholique.

Son disciple préféré, Melanchton, prêche en Agenais en 1530. Calvin, à Genève réclame une réforme plus radicale. Il prêche une morale de contestation et de combat qui séduit la bourgeoisie marchande. Ses idées réveillent chez les paysans les sentiments antifiscaux : le refus de payer l’impôt, et les tendances anarchiques (ils appellent le roi Charles IX, âgé de 10 ans en 1560: « le petit reyot de merde »). Le calvinisme s’étend dans le sud-ouest au détriment des idées de Luther.

Les protagonistes en Gascogne

a) A l’échelon local

Les calvinistes cherchent à défendre leurs idées et apparaissent comme « des briseurs d’images » et des contestataires agressifs. Ils se rassemblent dans des temples qui apparaissent rapidement à Condom, Vic, Lectoure. Les oppositions se creusent entre notables locaux d’une même ville, entre villes et entre villages, retrouvant souvent des oppositions plus anciennes.(voir les guerres de religion autour de Lagardère, sujet d’histoire)

b) Les capitaines gascons

Tout un ensemble de petits chefs de guerre apparaît : seigneurs locaux (Marambat, Bezolles), anciens soldats revenant des guerres d’Italie, aventuriers issus de tous milieux. Ce sont les capitaines gascons, intrépides et courageux, à la tête d’un commando qui épousent les querelles locales, sont appelés ici ou là, entretiennent les troubles, le brigandage dans les villes et les campagnes, et en particulier par le système des enlèvements (de personnes ou de bétail) et de rançons.

c) Les autorités officielles

Elles ne peuvent s’opposer efficacement aux troubles, et parfois semblent les favoriser :

  • la puissance de la monarchie faiblit. Après la mort de Henri II en 1559, il y a deux minorités (François II et Charles IX) avec une longue régence de Catherine de Médicis, qui est femme, étrangère, soumise à des influences diverses. Ses ordres sont parfois ambigus ou contradictoires.
  • Jeanne d’Albret, reine de Navarre, réside surtout à Nérac. Elle est ouvertement calviniste et a interdit le catholicisme dans le Béarn et la Navarre où elle ne dépend de personne. Mais dans ses domaines gascons elle dépend du roi de France et doit en suivre la politique, d’autant que son mari, Antoine de Bourbon est lieutenant général du royaume. Elle cherche cependant à favoriser les protestants et rompt en 1462 avec son mari qui meurt peu après au siège de Rouen.

Les opérations militaires

Les batailles rangées se passent toutes au nord de la Garonne. En Gascogne, la majorité des troubles se situe entre Vic, Condom, Lectoure et Mauvezin.

a) La reine-régente

Elle charge Monluc de maintenir l’ordre. Monluc, petit seigneur de Sempuy (à 12km de Lagardère, à l’est) dont le cousin est seigneur de Mansencôme, a été un brillant chef militaire dans les guerres d’Italie. Il assume le rôle de chef des armées catholiques en Guyenne et pays toulousain (tout le sud-ouest y compris Bordeaux et Toulouse). Il est surtout basé à Agen et à Condom. Il interprète les instructions de la reine-régente dans un sens très anti-protestant. Il est redouté pour son efficacité, sa brutalité et la violence de ses réactions. Dans un midi à dominante calviniste, il empêche les protestants de prendre le pouvoir à Condom, Agen, Bordeaux, Toulouse, Auch, Montauban. Mais il échoue devant Lectoure et Fleurance.

b) La reine de Navarre

Elle charge en 1569 Montgommery de remettre de l’ordre en Béarn et de punir les rebelles. En fait, elle lance avec lui un raid particulièrement dévastateur. Montgommery est celui qui a involontairement tué le roi Henri II lors d’un tournois. Il s’est alors enfui en Angleterre, et est devenu protestant. Il part de la région de Toulouse, saccage Saint-Gaudens, la région de Tarbes, Mont de Marsan. En octobre il met à sac Lupiac, incendie Nogaro, Dému, met le feu à l’église de Vic et arrive le 27 à Condom où il reste deux mois pour « rafraîchir » ses troupes après avoir détruit une partie de la cathédrale et des possessions ecclésiastiques. De Condom, ses bandes indisciplinées écument la région : Marambat, Justian, la maison forte du Prat, appartenant à un prêtre est saccagée. Le château de Lagardère en a peut être souffert. Il quitte la région en janvier. Monluc va aussitôt occuper Condom et mettre le siège devant Vic.

c) Dans les années qui suivent

Les accrochages, moins spectaculaires, continuent. En 1589, entre Condom et Vic, Bernard de Bezolles (catholique) attaque le comte de Panjas (protestant) et le charge brutalement dans la vallée de l’Osse. Lagardère a dû jouer son rôle de poste de défense et de refuge, peut-être aussi de cible, puisque appartenant à l’évêque. Ce n’est qu’après l’abjuration d’Henri IV (1591) que le calme revient. En 1598, l’Edit de Nantes scelle un mode de cohabitation entre catholiques et protestants.

Il reste un souvenir de massacres, de destructions de brigandages, de rançons, de violences en tous genres qui vont laisser longtemps des traces. L’évêque et les chanoines (le Chapitre) de Condom, pour pouvoir reconstruire leurs maisons de Condom demandent au roi l’autorisation de vendre des domaines « éloignés ». Après quelques hésitions, le choix se porte sur Lagardère. Charles IX autorise la vente le 17 juillet 1571, mais ce n’est que le 28 mai 1578 que le château et son domaine seront vendus à Pierre de Lavardac qui va y résider. Pourtant, les guerres de religion ont permis aussi la fortune de certains marchands : ainsi, les Maniban, simples bourgeois de Mauléon d’Armagnac commencent alors leur essor, achètent des domaines nobles aux environs de Cazaubon avant d’acquérir le domaine du Busca où ils vont construire leur château principal, puis le château de Lagardère. (voir les seigneurs de Lagardère, sujet d’histoire)

Les Temps Modernes

Ils vont transformer complètement le château.

Avait-il souffert des guerres précédentes, en particulier des troupes de Montgomméry ? C’est possible.

Les Lavardac

Les espaces de stockages (niveau inférieur) sont concentrés et dédoublés en deux étages pour accroître la capacité d’accueil des étages supérieurs comme résidence de la famille du seigneur et du personnel domestique, et pour adapter la maison aux contraintes d’une résidence moderne. Les structures verticales (escaliers) sont améliorées. Une poterne-pont-levis est créée dans le mur Est et une échauguette spectaculaire est construite sur le côté le plus exposé du château. Les créneaux disparaissent.

En 1581, dans le château de Lagardère, Antoine de Monclar, seigneur de Bautian, près de Vic, fait par contrat donation de tous ses biens à sa mère. Le château est alors assez sûr et assez important pour se prêter à la rédaction d’actes notariés.

Pierre de Lavardac meurt en 1594. Son fils Arnaud en 1595 fait réviser le cadastre par un maître arpenteur : Jean Lafargue, de Francescas. N’ayant pas d’enfant légitime, il teste en 1615 en faveur des pères jésuites du collège d’Auch, auxquels il donne la terre de Lagardère. Le recteur des jésuites demande un inventaire (voir l’inventaire de 1615)  puis refuse la succession, sans doute trop grevée de dettes. Mais la sœur du dernier possesseur, Alix de Lavardac rachète la terre, malgré l’avis de son mari Pierre de Caulet, pour son fils Jean de Caulet, seigneur de Lian. En 1617 c’est au château qu’est établi le contrat de mariage entre Louise de Lavardac et Blaise de Grisonis, seigneur de Pimbat. Il est ensuite mis en vente, passe entre les mains de Philippe de Pins seigneur d’Aulagnères de 1621 à 1630.

Les Maniban

Le 28 juin 1630, Thomas de Maniban, résidant au château voisin du Busca, prend possession du domaine de Lagardère pour la somme de 3200 livres. Cette famille d’anciens bourgeois de Mauléon, en bas-Armagnac, a acquis la noblesse de robe par des fonctions importantes aux parlements de Toulouse et de Bordeaux. Ils portaient à l’origine le nom de Labassa.

Thomas de Maniban est avocat général et président à mortier au parlement de Toulouse. Son fils Jean-Guy mort en 1707, lui succède dans ses domaines et ses fonctions. Le fils de ce dernier, Jean Gaspard est marquis de Maniban, baron de Cazaubon, Busca, Ampeils, Lagardère, Laroque et autres lieux. Il meurt en 1762, ne laissant que deux filles. Le gendre de son frère: Jean de Campistron, poète de l’Académie française reprend alors le nom de Maniban.

Peu après l’acquisition du château de Lagardère, Thomas de Maniban, qui réside le plus souvent à Toulouse, le met en « afferme »: le loue avec ses droits et dépendances, pour des périodes de plusieurs années, à des bourgeois de la région. Eux-mêmes réaliseront parfois des « sous-affermes », analogues à des sous-locations. La première afferme connue est celle d’un bourgeois de Justian: Dépis, de Tachoires (1635), puis, Gabriel Liard, notaire à Valence, Pierre Liard, son fils « négociant », qui « sous-afferme » Lagardère à François Cuignaux en 1687, puis Bertrand Liard, seigneur de Latapie, son petit-fils, « fermier » de la seigneurie de Lagardère en 1699. Jusqu’en 1702, on a des témoignages que de titulaire habite la « salle » de Lagardère. Aucun Maniban n’y a jamais habité. En 1733, Jean-Pierre Liard, fermier de la seigneurie habite Bezolles, En 1738, Mathieu Pérès, « fermier du présent lieu », habite le hameau de Pérès, à Bezolles, puis s’installe à Pébergé (1742).

C’est sans doute vers cette époque que le château est à nouveau transformé pour en faire un bâtiment plus directement orienté vers l’exploitation agricole. Une boulangerie avec ses fours est installée au premier étage, un colombier dans une des tourelles.

Le château de Lagardère n’est plus habité alors que par des domestiques. C’est là que Bernard Boyer, journalier, y fait son testament le 4 juillet 1756. On n’a plus de trace d’occupation du château par la suite.

Le bâtiment va ensuite se dégrader, de nombreuses baies sont murées, ainsi que l’ancienne porte pont-levis, sans doute pour limiter l’entretien de menuiseries devenues inutiles et pour réduire le nombre d’ouvertures soumises à taxes. La ruine définitive du château remonte à la fin du XVIII° ou au début du XIX° siècle.

la porte orientale, à pont-levis

La dernière des Maniban: Marie Christine, marquise de Livry, sans doute par nécessité, vend ses propriétés gasconnes les unes après les autres. Elle n’a pas émigré, ses biens ne lui sont donc pas confisqués. En 1791, la terre et le château de Lagardère sont vendus au citoyen Jean Délas (de La Bordeneuve-Le Mulé), frère du premier maire de la commune (François Délas). Son fils Jean Baptiste (né en 1793), vend ses terres « à la Tour » (le château et son environnement immédiat) et le « camp de la salle », autour, en 1844, à Jules Dupin de La Forcade, qui avait acheté la propriété du Hillet, un peu au sud du château, vers le début du siècle. Le château, dès le premier cadastre (1816) est qualifié de masure, donc non imposable puisque non habitable. Son fils, Edouard, devient maire de Lagardère, mais ne semble avoir fait aucun travail de restauration..

le château vers 1900

C’est sa deuxième épouse, Marie Talazac, séparée de biens qui en est plus tard propriétaire et le vend en 1920 à François Déauze, propriétaire et forgeron de la commune. La tradition locale raconte que le nouveau possesseur s’accorde avec un marchand de matériaux de construction pour détruire le château et en récupérer les pierres. La démolition commence par la partie du mur est proche de la tourelle. Mais les « belles pierres » ne se trouvant que sur les façades, entourant des moellons beaucoup moins intéressants, l’opération est arrêtée.

le château en 1994

Le 19 septembre 1922, les ruines sont classées monument historique, et deviennent intouchables.. Jean Bruchaut, héritier de François Déauze, fait fermer le puits qui existait à l’intérieur des murs, car dangereux pour les enfants.  Son fils, Jean-Pierre, vend les ruines à l’Association en 1994.