Edouard, qui ne sera appelé Prince Noir que plus de deux cents ans plus tard, est né à Woodstock, près d’Oxford en 1330. Il est le fils aîné du roi Edouard III d’Angleterre et de la reine Philippa de Hainaut. L’ambiance en Angleterre est tragique.
En 1326, sa mère Isabelle de France, aidée de son amant Mortimer, avait contraint son époux le roi Edouard II à abdiquer, puis l’avait fait assassiner. En 1331, Edouard III fait emprisonner sa mère et exécuter son amant Mortimer. Il se réclamera cependant de sa filiation maternelle pour prétendre en 1336 au royaume de France…
Edouard de Woodstock, en tant que fils aîné, est créé prince de Galles en 1343. A 16 ans il participe à la bataille de Crécy où son père vainc le roi de France Philippe de Valois. Un peu plus tard il est au siège de Calais où sa mère intervient en faveur des notables de la ville : les « bourgeois de Calais« . Il y sauve la vie de son père, menacée par un « commando » français.
En Gascogne, c’est une période de fléaux, où les guerres, presque incessantes, jouent un rôle mineur par rapport aux sécheresses, pluies diluviennes, hivers rigoureux. Les famines se multiplient ; puis les épidémies de peste. La plus importante : la Peste Noire, venue de la Méditerranée orientale, tue environ la moitié de la population des villes et des bourgs, parfois davantage, à partir de l’été 1348. C’est la fin du « monde plein » du siècle précédent.
Le conflit entre les rois de France et d’Angleterre se cristallise autour du duché d’Aquitaine et de Gascogne, qu’Edouard III a reçu en héritage, mais sous la suzeraineté du roi de France. Après la défaite de Crécy, celui-ci a confié le pouvoir (lieutenance générale) dans le sud ouest au comte Jean I d’Armagnac en 1352. Jean place des garnisons dans les villes et les châteaux qu’il contrôle, et en 1353 lance des escarmouches contre les positions du roi-duc Edouard III en Rouergue, Agenais et Quercy.
Edouard confie à son fils , le Prince Noir, son pouvoir en Aquitaine. Edouard de Woodstock débarque à Bordeaux le 20 septembre 1355 pour « réorganiser…, recouvrer ses domaines et ses droits« . Il lance alors un raid d’intimidation, destiné à terroriser les habitants. Son mot d’ordre est « brûler, piller, détruire« .
Il assiège Nogaro, incendie Plaisance, traverse Montesquiou, ravage tout le pays de Seissan à Samatan, franchit la Garonne et continue jusqu’à Narbonne. Au retour il passe par Gimont, franchit le Gers près de Fleurance et la Baïse près de Condom, donne congé à ses troupes à Mézin avant d’arriver à Bordeaux …
Devant l’offensive du roi de France Jean le Bon vers le Poitou, le Prince Noir lance un nouveau raid , à partir de Bordeaux, vers le nord. Il rencontre l’armée française près de Poitiers, la bat, malgré ses troupes moins nombreuses, et fait prisonnier le roi Jean le Bon. (1356).
De longs pourparlers aboutissent au traité de Brétigny, en 1360. Le roi de France renonce à la suzeraineté sur l’Aquitaine-Gascogne qui est reconstituée en une principauté indépendante recouvrant la plus grande partie des pays entre Loire et Pyrénées. Le roi d’Angleterre renonce à ses prétentions au trône de France. Cette double renonciation est conditionnée par la cession réciproque de certaines places fortes que les Anglais tardent à effectuer.
La paix semble revenue pour une population décimée par les pestes. Mais les querelles entre grands seigneurs gascons se réveillent. Depuis 1290, succession du vicomte de Béarn, un litige oppose le comte de Foix au comte d’Armagnac. Depuis 1343, le comte de Foix est Gaston III qui se fait appeler Fébus, étalant son faste et ses ambitions. Il veut casser l’essor du comte d’Armagnac Jean I, soutenu par le roi de France, se met au service des Anglais, et harcèle les terres de son adversaire. Une ligue de seigneurs gascons se lève contre lui, mais il en est vainqueur à Launac, entre Lectoure et Toulouse le 5 décembre 1362. Le comte d’Armagnac est fait prisonnier et doit payer une énorme rançon. Ce n’est qu’en 1379 que Gaston Fébus sera vaincu à Cazères sur Adour et que le traité de Tarbes ramènera la paix entre les deux familles.
Après Poitiers, le prestige du Prince Noir est au plus haut. Le roi de Castille Pierre le Cruel, détrôné par son frère Henri, vient à Bordeaux lui demander secours. Le Prince Noir traverse le Pyrénées, et grâce à sa victoire de Navarette, près de Najera en 1367, rend le trône de Burgos à Pierre le Cruel, qui le reperdra peu après. Pour financer cette campagne, payer les Routiers qu’il a enrôlés, il lève de nouveaux impôts dans sa principauté d’Aquitaine.
Le comte d’Armagnac profite du mécontentement qui en résulte, et avec d’autres seigneurs gascons, proteste sans succès auprès d’Edouard III. Il en appelle alors au roi de France à Paris. Charles V a succédé à Jean le Bon. Après plusieurs mois de réflexion il cite le Prince Noir devant le parlement de Paris.
Celui-ci répond « je viendrai à Paris, mais le bacinet (casque) en tête et avec soixante mille hommes« . En Gascogne, le comte d’Armagnac attise la révolte. Les garnisons anglaises sont chassées de Fleurance, Vic Fezensac, Condom. Duguesclin prend de nombreuses places dans la vallée de la Garonne (1372) puis en Bigorre (1377).
Mais le Prince Noir, malade, incapable de résister, a préféré retourner en Angleterre en janvier 1371. Il renonce à sa principauté d’Aquitaine. Il va retrouver son père sénile et se heurte à l’opposition de son frère Jean de Gand, duc de Lancastre.
Il meurt le 8 juin 1376, avant son père (22 juin 1377), et n’a donc jamais été roi. C’est un enfant : son fils Richard II qui lui succède sous la régence de Jean de Gand.
Pourquoi a-t-il reçu ce surnom de Prince Noir ? Il ne semble jamais avoir été appelé ainsi de son vivant. C’est peut-être parce qu’il portait une armure noire, ou bien à cause de sa cruauté et de la terreur qu’il avait semée.
Il fut brillant chef de guerre et fin stratège, mais piètre organisateur et mauvais politique auprès de ses vassaux.
A sa mort, le roi d’Angleterre ne conservait de sa grande principauté d’Aquitaine que Bordeaux et Bayonne…
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