Il joue un rôle plus effacé au parlement de Toulouse, où il devient président à mortier en 1683.
Dans le pays, il arrondit son domaine : il acquiert Massencome en 1674 et Tilladet vers Gondrin en 1676.
Il devient marquis de Maniban en 1681, augmente la partie de don domaine située en bas-Armagnac de Toujouse, Monguilhem en 1685, de Campagne et d’Ayzieu, autrefois fief des Lavardac, en 1701. Comme son père, il afferme ses domaines : en particulier Lagardère à François Cugneau, grand propriétaire du village, en 1685. Le bail sera renouvelé.
C’est le membre le plus célèbre de la famille. C’est un grand seigneur digne représentant de la haute noblesse de robe et le dernier seigneur de Lagardère, avant que sa fille ne se débarrasse de son patrimoine. Gaspard est né en 1686, sous Louis XIV et mort en 1762, période noire du règne de Louis XV, 25 ans avant la révolution. 
C’est d’abord un jeune homme intelligent et ambitieux d’une famille en pleine ascension sociale. Il en marque l’apogée.
Les Maniban, ont commencé leur fortune à la fin des guerres de religion. Partis de Mauléon d’Armagnac, à la limite des Landes et du Gers actuels, ils ont acheté une charge anoblissante, avancé dans la magistrature bordelaise, puis toulousaine. Il est le petit-fils de Thomas de Maniban, qui a acheté la seigneurie de Lagardère et son château en 1630.
Il est né à Toulouse à l’hôtel des Pins, près de La Daurade.
En 1705, à 19 ans, il obtient sa licence en droit civil et canonique, et devient conseiller au parlement.
Le parlement n’est pas une assemblée élue délibérative, comme les instances actuelles, mais un groupe de juges, ayant acheté leurs charges, à qui le roi a confié son pouvoir de justice. Le parlement de Toulouse est le premier parlement installé en dehors de celui de Paris, en 1444. Il comprend plus de cent juges. Ces juges royaux sont inamovibles, ce qui garantit leur indépendance. Ils doivent établir le droit positif, sanctionner ses manquements selon les lois coutumières écrites et les ordonnances royales. A cette époque, ils se posent en défenseurs de la cohérence du droit, devant enregistrer les ordonnances royales pour qu’elles soient applicables, et, vis à vis de la population en défenseurs de la morale publique grâce à une répression rapide et peu coûteuse privilégiant les châtiments corporels : fouet, roue, fer rouge, pour, disent-ils, « faire peur aux méchants », comme dans l’affaire Calas, divulguée par Voltaire.
Il est conseiller au parlement à 20 ans en 1706. A 28 ans, en 1714, il est président à mortier, c’est à dire qu’il préside un certain niveau de tribunaux supérieurs, La toque, en forme de mortier en est le symbole.
A 35 ans, en 1721, il devient premier président du parlement, c’est à dire son sommet hiérarchique. Il le reste jusqu’à sa mort, quarante ans plus tard.
Il semble que Gaspard de Maniban ait été un représentant accompli de cette haute fonction publique judiciaire : Simple et austère, sachant être fastueux et généreux dans les circonstances officielles, distant sans apparaître condescendant avec ses subordonnés. Cultivé, mais plus janséniste que partisan « des lumières », et profondément respecté.
A Toulouse
Il est très riche et maintient un grand train de vie avec des fêtes somptueuses dans son hôtel de Toulouse. En 1748 il achète le château de Blagnac,
qu’il modifie, et où il mène une vie privée simple, avec des amis choisis.
Il est à la tête d’un lieu fondamental du pouvoir local, à côté des capitouls (la municipalité) et de l’archevêque. Sa force est, entre autres, liée à son aptitude à élaborer des compromis pour ménager les susceptibilités locales extrêmement vives…Il va l’exercer à Toulouse et à Paris.
Il est généreux, participe à l’aide des pauvres de l’Hôtel-Dieu, à la fondation de l’Hôpital de la Grave, organise les secours lors des inondations catastrophiques de 1727.
Il est très tôt « mainteneur des Jeux Floraux », assemblée culturelle traditionnelle de Toulouse
A sa mort, le 31 août 1762, il est enseveli en grande pompe dans le cloître de la cathédrale Saint Etienne de Toulouse.
A Paris
Avec les autres parlements, surtout le plus important, celui de Paris, il prend part à la politique nationale.
Depuis le premier quart du XVIII° siècle, la tendance des parlements est de se considérer comme un organe de gouvernement qui a accompagné, sinon précédé le début de la monarchie, et doit contrôler le pouvoir des rois, en particulier en faisant difficulté pour enregistrer ses ordonnances.
Les parlements sont essentiellement de tendance janséniste, c’est à dire d’esprit rigoureux et pessimistes, mais aussi méfiants envers le pouvoir royal, comme envers l’autorité des papes sur l’église.
Ils visent un gouvernement des juges sans caractère démocratique, qui aboutira à un blocage vers la fin du règne de Louis XV, que Louis XVI ne sut pas gérer. Ils seront balayés dès les premiers troubles révolutionnaires qu’ils ont contribués à faire naître.
Gaspard de Maniban s’est d’ailleurs rapproché de façon spectaculaire du parlement de Paris en allant demander lui-même (et obtenir) en 1707 la main de la fille du premier président Lamoignon, Jeanne-Christine.
Il est ainsi devenu, le beau-frère du chancelier (ministre de la justice), et de l’intendant de Toulouse et de Montpellier, et l’oncle de celui qui sous le nom de Malesherbes, sera le directeur de la librairie (c’est à dire de la censure) et protègera l’Encyclopédie de Diderot, et, plus tard défendra le roi lors de son procès avant d‘être guillotiné en 1794. Il revient à plusieurs reprises à Paris, où il a noué des relations importante à travers sa belle famille. C’est bientôt la régence (1715-1723), le système de Law et le triomphe du « bossu », selon Paul Féval… Chacun peut imaginer un lien entre les deux célébrités….
C’est un grand magistrat consciencieux et zélé, très absorbé par sa tâche, autoritaire et dominateur mais affable et courtois, urbain et « d’une gaîté décente » avec ses subordonnés. Sa présidence est marquée par la solennité et la grandeur. Il organise à Toulouse des réceptions somptueuses.
Il est austère, de tendance janséniste, conscient de représenter la morale et le bien public et d’être un des tout premiers grands serviteurs de l’état, qui doit savoir s’opposer, si nécessaire au gouvernement du roi. A la mort du régent et du cardinal Dubois, en 1723, devant les assemblées réunies il lève les mains en signe de bénédiction
Il est très riche et maintient un grand train de vie avec des fêtes somptueuses dans son hôtel de Toulouse. En 1748 il achète le château de Blagnac, qu’il modifie, et où il mène une vie privée simple, avec des amis choisis.
Il est à la tête d’un lieu fondamental du pouvoir local, à côté des capitouls (la municipalité) et de l’archevêque. Sa force est, entre autres, liée à son aptitude à élaborer des compromis pour ménager les susceptibilités locales extrêmement vives…Il va l’exercer à Toulouse et à Paris.
Il est généreux, participe à l’aide des pauvres de l’Hôtel-Dieu, à la fondation de l’Hôpital de la Grave, organise les secours lors des inondations catastrophiques de 1727.
En 1727, pendant les inondations de Toulouse, il organise les secours. Il fait partie de l’académie des Jeux Floraux.
En 1728 – 1732 il s’oppose à l’enregistrement de nouveaux impôts, comme d’autres parlements.
En 1761 le parlement organise le procès Calas, mieux connu par les libelles de Voltaire. Il ne semble pas y avoir participé.
En Gascogne
Il vient chaque année dans son château du Busca, où il signe de nombreux actes notariés concernant ses terres, et en particulier de Lagardère.
Seigneur de Lagardère
Lagardère est une de ses nombreuses seigneuries. Il y a droit de haute et basse justice : c’est à dire qu’il mandate un juge et perçoit les amendes. Il y reçoit la dîme inféodée : c’est à dire, que la dîme, due à l’origine à l’église, lui revient de droit. Il a droit de taverne et de boucherie, c’est à dire que lui seul, ou ceux à qui il le concède moyennant un prix, a droit de vendre de la viande et du vin sur le territoire de la communauté. Il possède une métairie principale La Bourdette, et ses annexes, et une grande partie des terres de la future commune. Il a encore une tuilerie, alimentée par la ‘terrère’ d’argile et le bois, le long du Grésillon, pour alimenter le feu.
Les « affermes »
Mais en fait, tout cela est affermé à des bourgeois de la région, ou riches paysans locaux. A cette époque, après plusieurs représentants de la famille Liard, de Roques, c’est un membre de la famille Pérès, de Bezolle qui remplace le seigneur dans ses droits et revenus : essentiellement la métairie de La Bourdette, et ses dépendances : Padané à l’ouest, et Pebergé à l’est. Jusque vers 1710, le titulaire du bail à ferme résidait au château. Mais les Pérès s’installent à Pébergé et y font construire une belle maison de maître, ne laissant au château que des domestiques. Nous connaissons l’un d’eux, nommé Bernard Boyer, qui y fit son testament en 1756.
Le château
C’est alors que durent être faites les transformations qui adaptaient les structures d’un château résidentiel à celles d’une vaste entreprise agricole : fermeture de la porte est, devenue inutile, percement de placards, de fours dans l’ancienne salle d’accueil, aménagement de pigeonniers dans les deux tours. On n’a pas notion d’autres travaux importants d’entretien ou de restauration…
L’exploitation agricole est dirigée depuis La Bourdette.
Les campagnes sont un peu moins misérables qu’à l’époque de la fin du règne de Louis XIV. Le maïs, venu d’Amérique il y a deux cents ans, commence seulement à être semé et à prendre la place et le nom du millet ancien : « milhas », ou « turquet » (blé que l’on croyait venu de Turquie). Il n’y a plus de grande famine.
Dans les années 1770, la guerre d’indépendance des « insurgents » d’Amérique du nord, futurs États Unis, va susciter un développement important des eaux de vie d’Armagnac, grâce au boycott des eaux de vie anglaises.
Le village
Quelques familles confirment leur ascension sociale : Les Délas, descendants d’un muletier du marquis, au château du Busca, louent, puis achètent la nouvelle métairie créée par l’ancien « fermier » Cuigneau, La Bordeneuve, qu’on appellera bientôt « le Mulé ». C’est à Jean Délas qu’en 1791, la fille de Gaspard de Maniban vendra le château et ses dépendances. Les Péres s’installent à Pébergé et à Pelerey, Les Dupin au Hillet, une ancienne maison de tuilier ;
Retour à Toulouse
Gaspard en 1762, a 76 ans. Il est toujours premier président incontesté du parlement de Toulouse. La grande affaire est alors le procès des Jésuites. Depuis plusieurs années une machination animée par le parti janséniste, prépondérant dans les parlements, s’acharne à abattre la puissance de l’ordre, à partir de banales affaires d’argent, puis de contestation des règles mêmes de l’ordre. Tous les parlements se saisissent de l’affaire. Le parlement de Rouen, le premier, interdit l’ordre dans son ressort en janvier 1762. Il est rapidement suivi par ceux de Bordeaux, Rennes et Paris. Le procès s’ouvre à Toulouse le 24 avril 1762. Gaspard s’y est préparé et s’apprête à présider les séances ; mais il tombe malade et meurt le 31 août. Il a dû céder la place à un autre président. Il est enseveli en grande pompe dans le cloître de la cathédrale Saint Etienne de Toulouse.
Sa deuxième fille, Marie Christine, 47 ans, veuve du marquis de Livry, sans enfant, hérite de la plupart de ses biens. Mais elle vit à Versailles, et à Paris, et va vendre, les uns après les autres tous les éléments de son patrimoine. Après un exil à Londres, elle rentre en France, dans la région parisienne et meurt en 1804. Lagardère appartient alors aux Délas.
Dans ce complexe XVIII° siècle, Gaspard de Maniban a vu, et vécu les dernières grandes victoires de Louis XIV, puis ses échecs et grandes difficultés avec la guerre de succession d’Espagne au début du siècle. A la mort du roi, en 1715, la régence du duc d’Orléans amorce un renouveau qui s’exprime par une libération des mœurs, que Gaspard a sûrement regrettée, et des tentatives de réforme économique avec une exploitation rationnelle des colonies et un essai vite abandonné de monnaie-papier. Avec Louis XV, les guerres ont repris, mais loin du pays. Gaspard est mort peu avant le traité de Paris où la France abandonnait à l’Angleterre presque toutes ses colonies. Il a assisté à l’essor de l’esprit des « lumières » qui ne touchait qu’une minorité essentiellement urbaine, mais animait la nouveauté qu’était une opinion publique avide de pouvoir. Il était à la fois, grand seigneur à Toulouse et à Paris, mêlé aux intrigues du moment, et gérant avisé de son domaine gascon, purement rural, encore très stable autour de son château du Busca, à quelques kilomètres d’ici.
Est-il venu à Lagardère ? C’est probable, ne serait-ce que par souci de bonne gestion.
A-t-il participé à la fièvre financière de 1719-1720, avec les spéculations et l’expérience de la nouvelle monnaie de Law’s et la banqueroute de 1720 ? C’est peu probable, mais il est possible qu’un jeune Lagardérois, « monté » avec lui à Paris en 1715, à l’occasion de la naissance de sa fille, la future marquise de Livry, y ait joué son rôle, et manifesté, sous le surnom du « bossu », l’esprit d’entreprise et de générosité des Gascons.
Il est bien différent de ses voisins :
- Pardaillan est passé par héritage aux Baudéan de Parabère. Le seigneur, gouverneur du Poitou, laisse en 1716 une jeune veuve Marie-Madeleine de la Vieuville, qui brille à Paris à la cour du Régent dont elle devient la maîtresse. Elle est connue comme « la Parabère », organise des fêtes, en particulier dans sa maison d’Asnières…
- Le château de Herrebouc, à Saint-Jean Poutge est la résidence des seigneurs de Verduzan, titrés marquis de Miran, un hameau de la commune de Rozès. Jean-Jacques de Verduzan (1695-1760) est d’abord un homme d’armes au service du roi. Il est mousquetaire. Mais bientôt il se retire à Herrebouc et se consacre à l’amélioration de ses terres, à l’étude et à la poésie. Il est en relation avec tout un réseau d’intellectuels fortunés caractéristiques de l’époque des lumières, ouverts, soucieux d’améliorations économiques (comme les « Physiocrates » un peu plus tard ), cultivés et d’esprit voltairien. Son fils, moins brillant que lui, obtiendra de l’intendant d’Etigny la concession des eaux thermales du Castéra, et fera bâtir, à côté des nouveaux thermes un joli château XVIII°, maintenant disparu…Ni la Parabère, ni Verduzan, ne devaient être vus d’un bon œil par le marquis de Maniban, très austère, même s’il était aussi très cultivé.
Gaspard est un homme droit et austère, qui a un grand prestige dans la région et à la cour. Il vient souvent à Paris, voir le roi, les ministres, et les magistrats du parlement de Paris.
Il est riche, propriétaires de nombreux domaines et châteaux en Gascogne. Sa fortune est estimée à un million de livres (10 à 15 millions d’euros) et les revenus de ses terres lui rapportent autour de 600 00 livres par an (700 00 Euros).
Il vit à Toulouse, même s’il va assez souvent à Paris, Il est d’abord dans le centre, près du siège du parlement, mais en 1748 il achète le château de Blagnac, dans la périphérie de Toulouse, qu’il fait restaurer luxueusement. Il passe les mois d’été au château du Busca-Maniban, proche de Lagardère.
Le couple a eu deux filles et les a mariées richement. L’aînée épouse un membre d’une branche bâtarde de la maison de Bourbon. Elle meurt en 1751 sans enfant. La seconde Marie-Christine et mariée en 1741 (la même année que le mariage de la future Marquise de Pompadour) à Paul Sanguin, marquis de Livry, colonel au régiment du Perche et premier maître d’hôtel du roi. Elle a 26 ans. Il en a 32. Elle apporte en dot 500 000 livres (6 millions d’Euros).
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Marie Christine est née à Paris en 1715, année de la mort du roi Louis XIV et du début de la Régence du duc d’Orléans. Elle passe son enfance entre Toulouse, Busca-Maniban et Paris que sa mère préfère à Toulouse.
Son mari, le marquis de Livry, est issu d’une vieille famille parisienne 
Le premier maillon des Sanguin de Livry est Simon Sanguin, riche bourgeois parisien, drapier de son état, établi rue Saint-Honoré, dans la Capitale du royaume. On estime qu’il était né vers 1430 mais on sait seulement qu’il fut acquéreur en 1489 d’une propriété de 17 arpents située à Livry-en-l’Aunoye, au lieu-dit » les Closeaux « . Son fils Simon achète les seigneuries de Livry et Coubron en 1499. Les héritiers se succèdent alors de père en fils comme seigneurs de Livry. La proximité des Sanguin avec le pouvoir royal se développe au XVIème siècle. Le fils de Simon, Jacques, devient « capitaine des chasses pour le plaisir du roi en ses forêts de Livry et Bondy en 1632. Cette charge se transmet de père en fil
Le marquis de Livry est un grand seigneur : ses fonctions consistent à superviser toute la maison du roi, non pas le château de Versailles, mais le quotidien : lever, repas, coucher, services administratifs correspondant. Il dirige un service de 660 personnes.
raison de son statut, le marquis disposait d’un appartement très somptueux au premier étage de l’Aile du Midi (en comparaison, cette aile était habituellement occupée par les princes et les membres de la maison royale). Il est composé de six grandes pièces, de deux petits cabinets et de trois très petits cabinets (situés entre les escaliers), avec huit cheminées.
Ils n’auront pas d’enfant.
La marquise de Livry est une femme intelligente, cultivée, proche de la dauphine (future mère du futur Louis XVI) et de Madame de Pompadour, favorite effective du roi de 1745 à 1770, mais amie proche et écoutée du roi par la suite, jusqu’à sa mort en 1764. Elle est mentionnée dans les mémoires de l’époque :
-[30 janvier 1747] Nous fûmes dix-huit serrés à table, à savoir, à commencer par ma droite, et de suite M. de Livry, Mme la marquise de Pompadour, le Roi, Mme la comtesse d’Estrades, la grande amie de Mme de Pompadour, le duc d’Ayen, la grande Mme de Brancas, le comte de Noailles, M. de la Suze, dit le Grand Maréchal, le comte de Coigny, la comtesse d’Egmont, M. de Croix, dit Pilo, le marquis de Renel, le duc de Fitz-James, le duc de Broglie, le prince de Turenne, M. de Crillon, M. de Voyer d’Argenson. Le maréchal de Saxe y était, mais il ne se mit pas à table, ne faisant que dîner, et il accrochait seulement des morceaux, étant extrêmement gourmand. … On fut deux heures à table, avec grande liberté, et sans aucun excès. Ensuite, le Roi passa dans le petit salon. Il y chauffa et versa lui-même son café, car personne ne paraissait là, et l’on se servait soi-même. Il fit une partie de Comète avec Mme de Pompadour, Coigny, Mme de Brancas et le comte de Noailles, petit jeu que le Roi aimait, mais Mme de Pompadour le haïssait et paraissait chercher à l’en éloigner. (duc de Croÿ-Solre)
–Du dimanche 26 [octobre 1749], Fontainebleau : Les quatre dames qui étoient venues de Choisy avec le Roi, qui étoient Mmes de Pompadour, d’Estrades, de Livry et de Sourches, soupèrent avec le Roi, et toutes les dames de la Dauphine qui étoient à Versailles, excepté Mme la duchesse de Rohan, à cause de sa santé. M. de Muy, le père, servit le Roi en l’absence de son fils. Il n’y avoit point d’officiers des gardes derrière le fauteuil du Roi, ni de premier gentilhomme de la chambre. Mme la Dauphine avoit été fort occupée de ce souper, et avoit voulu qu’on lui en apportât le menu afin d’ordonner elle-même les changements qu’elle croiroit convenir davantage au goût du Roi. » (duc de Luynes)
Le marquis de Livry meurt en 1758. Son frère cadet, Hyppolite François Sanguin, né en 1715, sera co-seigneur de Livry après aîné Paul et deviendra marquis de Livry après le décès de son frère.
Marie-Christine devient veuve à 43 ans. Après 17 ans de mariage, et de séjour à la cour du roi, elle quitte Versailles, avec une pension royale de 12 000 livres (140 000 euros).
Elle loue pour sa vie durant l’hôtel de Bragelongne, 23 rue de l’Université, à Paris, dont il reste une magnifique façade XVIII°. Plus tard, en 1772, elle achète le château de Gerville, au sud-est de Paris, à Soisy sous Etiolles (aujourd’hui Soisy sur Seine) proche de Sénart et surtout d’Etiolles qui se trouve être la seigneurie du mari légitime de Madame de Pompadour. Elle se partage entre ses deux résidences, toutes aussi cossues, l’urbaine et la campagnarde
Elle revient en 1759 à Toulouse, aider son père, malade, qui mourra trois ans plus tard. Elle renoue alors avec la société toulousaine et se lie d’amitié, en particulier avec « la présidente Du Bourg » épouse d’un président du parlement.
A son retour à Paris, en 1763, elle reprend son alternance entre ses deux résidences et entreprend une correspondance très régulière (une fois par semaine) avec la présidente Du Bourg, qui s’échelonne sur trente ans. On a conservé 800 lettres de la marquise.
Pendant une trentaine d’années, de 1763 à 1792, la marquise de Livry entretint de Paris une correspondance suivie avec la présidente Dubourg qui résidait à Toulouse. Les missives des années 1765 et 1785 ont été sélectionnées pour cette étude à partir des centaines de lettres de la marquise conservées aux archives municipales de Toulouse. Se définissant elle-même comme » nouvelliste et amie » à l’égard de sa correspondante, la marquise de Livry ne cherche pas à s’épancher et à se raconter dans ses lettres à la présidente, destinées bien davantage à la diffusion des nouvelles. Au fil du temps, sa correspondance dessine pourtant son autoportrait, celui d’une épistolière ouverte sur le monde et insérée dans les réseaux d’échanges et de communication, d’une femme des Lumières tournée vers la culture de son temps. Avec la vieillesse, le discours sur soi teinté de stoïcisme, finit par prendre davantage de place, tandis que les nouvelles du monde sont désormais moins fournies
Elle se fait nouvelliste, rendant compte des évènements parisiens et des personnes, discutant de façon très libre avec sa correspondante. Elle est acquise aux Lumières, avec un certain recul, et un jugement acéré.
Un thème important de l’époque est l’activité du Dr Mesmer, médecin allemand et sa théorie du « magnétisme animal ».
« Tout homme peut guérir son prochain grâce à un fluide naturel dont le magnétiseur serait la source, et qu’il diffuserait grâce à des passes sur le corps ».
Il séjourne à Paris de 1778 à 1785 et obtient un succès considérable.
« Il n’y a qu’une maladie, qu’un remède, qu’une guérison ». « L’histoire de la médecine est une illusion : ce qui guérit, c’est le magnétisme animal des médecins qui s’en servent sans s’en apercevoir ».
Il propose une explication rationnelle, dégagée de toute référence religieuse. Mais il n’apporte aucune preuve à sa théorie. Il est un représentant typique du siècle des Lumières.
La présidente Du Bourg, à Toulouse est enthousiaste. Comme Montesquiou, Lafayette, Noailles. La marquise de Livry est très sceptique. Le roi Louis XVI crée une commission des plus grands savants de son temps, qui ne trouvent aucune preuve et concluent : « le magnétisme sans imagination ne produit rien ».
Mesmer quitte Paris, voyage en Europe, et meurt en 1815 en Suisse.
Était-ce seulement un médecin charlatan, ou, selon certains, un précurseur de l’hypnose et de la psychanalyse ?
Madame de Livry voit sa fortune diminuer. La succession de son père mort en 1762, est complexe, et ne lui laisse qu’une partie de ses biens. Il n’a pas de fils. Son grand-père Thomas avait stipulé que ses biens ne pourraient être légués qu’à un descendant mâle qui porterait son nom et serait membre du parlement. Il y aura donc substitution et l’héritage passe à son neveu Jean-Guy de Campistron qui prend le titre de marquis de Maniban. Après dix ans de tractations La marquise de Livry obtient environ un quart de la succession de son père.
En 1774, elle vend pour 20.000 Livres ses terres de Toujouse et de Montguilhem (à l’ouest du Gers actuel) au Marquis de Poyanne. Les années suivantes diverses métairies aux environs de Massencôme et de Mouchan (Gers). Le 18 mai 1780, elle vend la terre et seigneurie du Busca au comte Henri Bernard de Faudoas, capitaine de cavalerie, moyennant une rente viagère au capital de 90.000 Livres, qu’il n’arrivera pas à payer du fait de son émigration et la saisie de son patrimoine qui s’ensuivit.
Elle est retirée à Paris, rue de l’Université et à Soisy sous Etioles, l’été.
La révolution arrive mais elle n’émigre pas en 1789, mais ses revenus sont diminués de moitié. Elle est dans la gêne et est obligée de réduire son train de vie, mais se montre stoïque face à l’adversité.
Elle vend, progressivement ses domaines gascons : après le château de Busca-Maniban (1780), celui de Lagardère en 1791.
A partir de 1792, elle vit toute l’année au château de Gerville, à Soisy, qui a pris en 1793 le nom de « Soisy-Marat ». Son nom figure par erreur sur la liste des émigrés. Ses biens sont mis sous séquestre. Elle multiplie les démarches pour démontrer qu’elle est bien restée chez elle : Ce n’est qu’en 1801 qu’elle obtiendra satisfaction. Elle rédige son testament en 1796. Elle emploie alors douze personnes. En 1803 elle vend le domaine de Busca-Maniban au Docteur Rizon, ancêtres des actuels propriétaires. Elle meurt à Soisy le 20 octobre 1804, à 89 ans.
C’est sans doute pour payer ses dettes que la succession est vendue aux enchères.